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Covid-19 : la Tanzanie, ce pays en plein déni qui refuse de voir l'épidémie

Le président tanzanien affirme que le Covid-19 n’existe plus dans son pays et que c’est grâce à Dieu. L'OMS exhorte les autorités à agir.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le port de Dar es Salaam (Tanzanie). Photo d'illustration.
 (SARAH ELLIOTT / EPA / MAXPPP)

Depuis le mois de mai, aucun cas de Covid-19 n’a été enregistré en Tanzanie, pays de 56 millions d'habitants de l'est de l'Afrique. Tout est ouvert : les restos, les boîtes de nuit, les salles de concert, les bars. On peut aller à l'église ou à la plage, personne ne porte le masque. Il est vrai que depuis le début de la pandémie, l'Afrique est beaucoup moins touchée que les autres continents par le Covid-19. Mais si on prend le voisin tanzanien, le Kenya, l'épidémie est toujours active avec 200 cas en moyenne par jour. En Tanzanie, il semble que le virus ne circule plus.

D'après le président tanzanien John Magufuli, si le Covid-19 a été éradiqué, c'est grâce à Dieu et aux trois journées nationales de prières qui ont eu lieu au mois de juin. Car depuis, plus rien. Aucun malade n’a été enregistré. Ceci s’explique surtout parce que depuis cette date, les autorités n'ont plus le droit de partager les données relatives au Covid-19. Plus de donnée, plus de mort ou de contaminé, plus de Covid-19.

Des voix s’élèvent contre ce déni

En Tanzanie, ils sont peu à oser dire à voix haute que le président ment, par peur des représailles. Ils pourraient être considérés comme antipatriotiques et susceptibles d'être poursuivis. Ces dernières semaines, plusieurs voix se sont tout de même élevées, à commencer par l'Église catholique, qui écrit dans son journal que "Le Coronavirus est là". L'ordre des avocats de Tanzanie aussi : samedi, il est devenu le premier corps professionnel à demander au gouvernement de prendre des mesures contre le Covid-19.

Des docteurs parlent de façon anonyme dans certains médias étrangers et admettent que la maladie circule toujours. Un journaliste sud-africain a réussi à entrer dans plusieurs hôpitaux pleins de Dar es Salaam, la capitale économique. Son nom n'a pas été dévoilé, car "publier des informations qui contredisent la version officielle" est dangereux. Il a pu parler avec des docteurs qui lui avouent ne pas avoir le droit de mettre le mot "Covid-19" sur les certificats de décès. Ils notent "pneumonie aiguë". Mais les hôpitaux font leurs propres tests de dépistage et n'ont pas de doute. Les soins intensifs sont remplis de malades sous oxygène, mais pour un représentant du ministère de la Santé, "Ce n’est pas parce qu’on a des problèmes respiratoires qu’on a le coronavirus."

Pas de Covid-19, pas de vaccin

La Tanzanie refuse d'adhérer au Covax, ce dispositif qui va faire parvenir des vaccins aux pays les plus pauvres. 145 pays vont en bénéficier, mais la Tanzanie n'en a pas besoin. Pour le président, "Si le Blanc était capable de trouver des vaccins, on aurait un vaccin contre le sida, la tuberculose appartiendrait au passé, on aurait trouvé un vaccin contre le paludisme et le cancer." À la place, l'État encourage à prendre dix remèdes à base de plantes. Aucune étude clinique ne prouve leur efficacité. L'OMS s'est inquiétée ce weekend, et a appelé à des mesures plus "robustes".

Face aux morts qu'il n'arrive plus à cacher (une personnalité politique et le chef de la fonction publique sont morts récemment en Tanzanie), le président Magufuli pourrait finir par admettre que le virus existe encore. La semaine dernière, il a avoué, sans nommer le Covid-19 : "Quand cette maladie respiratoire est apparue l'an dernier, nous avons gagné, parce que nous avons placé Dieu en premier et pris d'autres mesures. Je suis sûr que nous vaincrons à nouveau si nous refaisons de même." Mais pas de confinement, selon lui, pour le vaincre : "Nous continuerons à placer Dieu en premier."

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