Cet article date de plus d'un an.

Emmanuel Macron et Justin Trudeau lauréats du prix de "l'indignité linguistique"

L'Académie de la Carpette anglaise a remis son prix de l'indignité linguistique 2022 à Emmanuel Macron et Justin Trudeau, accusés de propager l'anglais à l'excès, au détriment de la langue française.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron, president de la Republique française (à gauche) et Justin Trudeau, Premier ministre canadien (à droite) au G7 d'Elmau Castle (Allemagne), le 27 juin 2022. (BENOIT TESSIER / POOL)

Vous connaissez l'Académie Goncourt ? L'Académie des Belles-Lettres ? L'Académie des César ? Mais sans doute pas l'Académie de la Carpette anglaise. Cela fait pourtant plus de 20 ans que ce groupe composé d'une dizaine de personnalités littéraires, ardent défenseur de la langue française, remet chaque année son prix de "l'indignité linguistique".

Ce prix satirique récompense un membre des élites françaises qui s’est distingué au cours de l'année par sa propagation servile de l'anglais, "son acharnement à promouvoir la domination de l’anglais en France et dans les institutions européennes". Parmi les lauréats, on compte des journalistes célèbres, de grands industriels et des personnalités politiques – de droite comme de gauche.

Cette année, le gagnant est le grand promoteur de la "start-up nation" et de la "french tech", de la "flat tax" et de la "démocratie bottom-up" : Emmanuel Macron. Normalement l'Académie de la Carpette anglaise ne décerne jamais son prix à un dirigeant en exercice, mais le président français fait tellement étalage de son anglophilie "qu'on a pas eu le choix” dit le président du jury, Philippe de Saint-Robert, au quotidien québécois Le Devoir. En France les médias aussi étrillent régulièrement les anglicismes récurrents du chef de l'Etat, parfois de manière satirique comme Le Gorafi.

L'Académie ne comprend pas – entre autres – pourquoi le chef de l'État a choisi Yseult, qui chante essentiellement en anglais, comme marraine du prochain Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en France en 2024. Les exemples d'anglicismes lors de ses discours sont innombrables. On se souvient aussi que lors du déplacement officiel du chef de l'État en Algérie, à l'été 2022, les mots  "Presidency of the Republic" sur son pupitre avait beaucoup irrité les diplomates qui travaillent à la promotion du français dans le pays.

Globalement l'Académie reproche au président de la République de faire de la langue française un musée, en créant une Cité internationale de la Langue Française (à Villers-Côtteret), mais "de ne rien faire pour la défendre à l'international".

Au Parlement européen, 12% des documents de travail en français

Au-delà de ce prix très satirique, malgré quelques "cocoricos" ponctuels, l'effacement du français dans l'Union européenne est un vrai sujet. Pourtant, depuis le Brexit, l'anglais n'a le statut de langue officielle que dans deux pays, Malte et l'Irlande, cela fait cinq millions de locuteurs sur 450 millions d'Européens.

Mais évidemment dans les institutions, malgré les récriminations constantes des Français depuis des années, l'anglais reste la langue dominante, même entre interlocuteurs francophones. Le rapport Lequesne, remis l'an dernier au gouvernement, notait que cette tendance se voyait très bien dans les documents de travail, ceux qui servent de base aux réunions.

En 2019 au Parlement, moins de 12% des textes étaient rédigés en français, à la Commission c'était même moins de 4%. La même année, c'est Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, qui avait reçu le prix de l'Académie de la carpette anglaise pour "tenter d’imposer la seule langue anglaise dans les textes officiels de la Commission européenne".

Même si dans les institutions européennes on ne parle parfois ni anglais ni français... mais un sabir eurocratique incompréhensible au commun des mortels, "si riche en acronymes qu’il peut être considéré comme un dialecte à part entière" disait The Economist il y a quelques semaines.

La gouverneure générale du Canada non francophone

L'Académie de la carpette a aussi décerné son prix spécial du jury au Premier ministre canadien. Justin Trudeau qui a eu la bonne idée de désigner Mary Simon au poste de gouverneure générale du Canada. Mary Simon est d'origine inuite, c'est la première femme autochtone à ce poste.

Elle parle anglais, elle parle inouktitut, mais elle ne parle pas français, pourtant l'une des deux langues officielles du pays. Sa nomination avait même fait l’objet d’une requête devant la Cour supérieure du Québec, à l’initiative de citoyens qui estimaient qu’elle "violait la Constitution canadienne". Le prix de l'Académie de la Carpette n'y est pour rien mais ça fera quand même plaisir à son jury : depuis, Mary Simon s’est engagée à apprendre la langue de Molière.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.