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Etats-Unis : à San Francisco, les futurs robots-tueurs de la police inquiètent la population

La police de San Francisco, en Californie, bientôt équipée de robots tueurs ? La ville doit donner son feu vert définitif mardi 6 décembre. Le conseil municipal s'est déjà prononcé pour, à une large majorité. La décision fait malgré tout polémique.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Un ruban de police dans une rue de San Francisco, en octobre 2022. (TERRY SCHMITT / MAXPPP)

A San Francisco, la police a déjà des robots : 17 très exactement. Des engins de petite taille, montés sur roulettes, qui sont commandés à distance et envoyés en reconnaissance quand il y a des alertes à la bombe par exemple, ou pour vérifier que les lieux sont sûrs avant d'intervenir.

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Ce qu'elle veut faire maintenant, c'est équiper ces robots d'une charge explosive. Pour pouvoir faire tomber des barricades, mais aussi pour les diriger vers un suspect armé ou dangereux afin de le "désorienter" ou de le "neutraliser" (autrement dit le tuer).

Une loi de l'État de Californie, adoptée cette année, oblige désormais les forces de police municipales à inventorier les équipements de qualité militaire et à demander l'autorisation de les utiliser. Le conseil municipal a déjà donné son accord la semaine dernière, à huit voix contre trois. Pour avoir force de loi, la proposition doit être à nouveau approuvée par le conseil – qui l'examine ce 6 décembre – et être signée par la maire, London Breed, une démocrate qui a exprimé son soutien à la proposition.

La police fait tout pour rassurer

Bien-sûr l'usage de robots tueurs serait une option de dernier recours. Le conseil municipal a d'ailleurs posé des garde-fous, il a exigé que les robots ne soient utilisés que si des vies sont en jeu... et que s'il n'y a aucun autre moyen de maîtriser le suspect. Mais "nous vivons une époque où la violence de masse impensable devient de plus en plus courante" dit le chef de la police de San Francisco qui a publié un communiqué. "Au cas où ce type de tragédie se produirait, nous avons besoin de cette option technologique pour sauver des vies". Seuls quelques officiers seront d'ailleurs habilités à donner l'ordre de déclencher le robot tueur.

Un robot-tueur a déjà été utilisé en 2016 à Dallas, au Texas. Il avait été équipé d'un pain d'explosif C-4 et il a servi à neutraliser un forcené qui s'était retranché dans un parking après avoir ouvert sur le feu sur les forces de l'ordre. C'était la première fois. Le chef de la police avait été largement félicité. Mais n'avait pas réédité l'expérience. Il faut dire que c'est une méthode qui a du mal à passer auprès de l'opinion publique.

Les citoyens ne veulent pas d'un scénario science-fiction

Un rassemblement d'ailleurs a eu lieu ce lundi devant la mairie avec ces slogans : "La science-fiction n'a pas sa place à San Francisco", ou encore "Nous refusons de transformer la ville en zone de guerre".

Le débat a été relancé au niveau national par des associations qui dénoncent la militarisation croissante de la police et craignent surtout d'ouvrir une boîte de Pandore, car après San Francisco, d'autres villes vont vouloir s'équiper. 

"C'est une politique horrible et l'exact opposé de comment la police devrait utiliser les robots", a réagi sur Twitter Paul Scharre, vice-président du Center for a New American Security, un groupe de réflexion basé à Washington. "L'avantage des robots est de créer plus de distance entre les forces de l'ordre et une menace, précisément pour qu'elle n'ait pas besoin de recourir à la force létale", a-t-il ajouté, en soulignant que les policiers peuvent utiliser de nombreux moyens pour neutraliser un assaillant sans le tuer -- tasers, grenades aveuglantes, gaz lacrymogène, etc.

Les robots créent une "fausse distance qui permet de tuer plus facilement l'individu" pour Hillary Ronen, membre du conseil municipal qui a voté contre cette proposition. "Nous ne voulons pas que ce soit facile. Nous ne voulons pas créer cette distance et cet éloignement de l'impact émotionnel du meurtre, du fait de prendre la vie d'un individu."

Une utilisation rarissime

Pour l'instant toutefois, les services de police américains ne se précipitent pas vers la haute technologie ni vers les robots-tueurs. L'année dernière, la police de New York a rendu un chien robotisé (qu'elle avait loué) plus tôt que prévu après des réactions négatives du public : les citoyens ne sont pas encore à l'aise avec l'idée de voir des machines pourchasser des humains. Toujours en Californie, à Oakland, l'idée d'équiper les robots avec des fusils de chasse a été abandonnée face aux protestations. Ils seront finalement équipés de spray au poivre – ça fait mal, mais ce n'est pas mortel. Et beaucoup moins polémique.

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