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Guerre en Ukraine : en Europe centrale, l'afflux de céréales ukrainiennes suscite la colère des agriculteurs

Les mesures mises en place par l'Union européenne pour libérer l'Ukraine de ses stocks ont des effets pervers. Les céréaliers polonais, roumains ou bulgares dénoncent une concurrence déloyale.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un vraquier se charge en blé dans le port d'Odessa (Ukraine), le 18 février 2023. (IGOR TKACHENKO / EPA)

Depuis quelques mois, des tonnes et des tonnes de blé, de maïs, de colza ou de tournesol envahissent les pays limitrophes de l'Ukraine. Normalement, ces céréales sont censées y faire étape avant d'être envoyées ailleurs, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient pour lutter contre l'insécurité alimentaire. Mais en réalité, la plupart restent stockées sur place. Elles s'accumulent dans les silos et déstabilisent les marchés. Résultat : les prix baissent et la colère monte.

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En Pologne, il y a quelques jours, des œufs ont été jetés à la figure du ministre de l'Agriculture, Henryk Kowalczyk. En Roumanie, les paysans annoncent une grève pour vendredi 7 avril et plus au sud, en Bulgarie, ils ont sorti les tracteurs pour bloquer les routes et empêcher les céréales ukrainiennes d'entrer. La Slovaquie et la Hongrie, dans une moindre mesure, sont elles aussi concernées par cette vague de contestation du monde agricole. 

Pourquoi ces céréales restent-elles bloquées ? Parce que les "corridors de solidarité" mis en place par l'Union européenne pour libérer l'Ukraine de ses stocks ont des effets pervers qui n'avaient pas vraiment été anticipés. Ces corridors sont censés faciliter l'évacuation des céréales - par la route ou par le train - alors qu'une bonne partie était restée bloquée en mer Noire, leur canal d'exportation habituel.

Absence de droits de douane

En mai dernier Bruxelles a supprimé - pour un an - les droits de douane sur l'importation de céréales en territoire européen. 25 millions de tonnes ont pu sortir et les acheteurs d'Europe centrale en ont largement profité : ils se sont montrés tout d'un coup beaucoup plus intéressés par ces céréales à bas prix que par les récoltes des producteurs locaux. 

Pour s'aligner, les agriculteurs polonais, roumains, bulgares, slovaques ou hongrois ont donc été contraints de baisser leurs tarifs, parfois même de vendre moins cher que l'an dernier. Une situation intenable vu l'augmentation des prix de l'énergie et des intrants. La plupart se retrouvent avec leurs stocks sur les bras. Les gouvernements ont un peu de mal à reprendre le contrôle de la situation.

Comment sortir de cette situation ? Avec de l'argent : jeudi dernier, Bruxelles a débloqué plus de 53 millions d'euros issus d'une réserve de crise de la politique agricole commune pour soutenir les agriculteurs et compenser leurs pertes. Mais les gouvernements concernés ont demandé plus d'argent et le rétablissement des droits de douane.

Une petite musique pro-russe

À Varsovie le gouvernement lui aussi prévoit de débloquer des fonds au niveau national et surtout un mécanisme pour garantir le transit des céréales, leur sortie du territoire. La pression des agriculteurs est forte, après les céréales, ils craignent de voir arriver d'Ukraine des fruits, des œufs, des volailles ou des produits laitiers meilleur marché.

Enfin, ces tensions ont une autre conséquence : elles alimentent une petite musique pro-russe qui se fait déjà entendre en Hongrie et en Bulgarie.

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