Immigration illégale : les traversées de la Manche de migrants toujours plus nombreuses

Elles ne font plus la "une" de l'actualité et pourtant, dans la Manche, les traversées de migrants n'ont jamais été aussi nombreuses. Près de 800 personnes ont rejoint l'Angleterre sur des embarcations de fortune pendant le week-end de Pâques.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des migrants récupérés en mer par le navire britannique Border Force Cutter, alors qu'ils tentaient de traverser la Manche le 13 janvier 2024. (GLYN KIRK / AFP)

La courbe statistique s'envole depuis le début de l'année 2024, plus de 5 300 personnes ont pris la mer de façon clandestine au départ des côtes françaises, environ 40% de plus que l'an dernier sur la même période. Les candidats à l'exil sont de plus en plus nombreux, les passeurs leur font prendre de plus en plus de risques. Chaque jour, les garde-côtes interceptent des zodiacs gonflables sur lesquels s'entassent plus de 50 passagers, hommes, femmes et enfants. Depuis janvier, il y a eu au moins sept noyades pendant la traversée, dont une petite fille de sept ans et un adolescent de 14 ans.

Pourtant, la lutte contre l'immigration illégale est l'une des priorités du gouvernement britannique, qui promettait d"arrêter les bateaux".Cela a fonctionné au moins l'an dernier, puisqu'on est passé de 45 000 traversées en 2022 à 30 000 en 2023. Le gouvernement de Rishi Sunak se targue d'avoir fait adopter des lois extrêmement restrictives sur l’asile, mais sa mesure phare, son projet de loi qui lui permettrait d'expulser les migrants vers le Rwanda, n'est toujours pas sur les rails. La chambre des Lords bloque, elle veut rendre le texte un peu plus humain.

Une campagne pour dissuader les Vietnamiens


Londres doit aussi s'adapter en permanence aux nationalités qui changent. S'il y a toujours beaucoup d'Afghans, d'Iraniens, de Turcs ou d'Érythréens sur les canots pneumatiques, il y a aussi de plus en plus de Vietnamiens qui fuient la misère économique.

Au point que la semaine dernière, le ministère de l'Intérieur britannique a lancé une campagne de dissuasion sur Facebook et Youtube au Vietnam, avec des vidéos qui racontent les conditions parfois dantesques de la traversée ou les conditions de vie extrêmement dures des migrants en situation irrégulière. Des hauts fonctionnaires du Royaume-Uni et du Vietnam doivent se rencontrer à Londres le 17 avril pour discuter d'un partenariat encore plus étroit sur les questions de migration. L'an dernier, une campagne similaire en Albanie, combinée à des expulsions massives, avait permis de réduire de 90% les arrivées de ressortissants albanais. 

Montée du discours anti-migrants

Malgré tout, la question migratoire fragilise les conservateurs avant les législatives qui vont avoir lieu dans quelques mois. Les sondages pronostiquent déjà la victoire écrasante de l'opposition travailliste. Mais si les traversées de la Manche continuent, elles vont affaiblir encore davantage le camp gouvernemental.

De façon plus générale, en cette "super année électorale" où près de la moitié de la population mondiale s'est rendue ou va se rendre aux urnes, l'agence de l'ONU pour les migrations (OIM) met en garde contre la montée des discours anti-migrants dans le paysage politique, en Europe comme aux États-Unis.

Qu'il s'agisse "de taux de criminalité, d'inflation, de chômage ou d'insécurité", dit la directrice de l'agence, Amy Pope, les illégaux forment des boucs émissaires tout désignés, alors même que "les discours et la réalité n'ont rien à voir". Des discours qui nourrissent les extrêmes et fissurent nos sociétés. Mais c'est facile : les illégaux, eux, ne votent pas.

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