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L'opposant russe Alexei Navalny, un an en prison : condamné mais pas réduit au silence

 "Je ne le regrette pas une seconde" : il y a un an jour pour jour, l'opposant Alexeï Navalny était arrêté et emprisonné en Russie. Il revenait d'une longue convalescence en Allemagne, où il avait été soigné pour empoisonnement – il en tient toujours le Kremlin responsable. Même en prison, il n'est pas pour autant réduit au silence.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le chef de l'opposition russe Alexei Navalny lors d'une audience au tribunal de district de Babushkinsky à Moscou (Russie), le 20 février 2021. (KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP)

Alexei Navalny ne regrette "pas une seconde" d'être revenu en Russie en janvier 2021, alors qu'il savait qu'il allait se faire arrêter. Ces mots, il les publie ce lundi matin sur son compte instagram, accompagnés d'une photo de lui et de sa femme Ioulia, pour marquer l'anniversaire de son arrestation le 17 janvier 2021.
"Après un an de prison, écrit-il, je vous redis ce que j'ai crié (à ceux qui me soutenaient): n'ayez pas peur".

Grâce aux lettres qu'Alexeï Navalny fait régulièrement passer à son avocat – et qui sont ensuite publiées sur son compte instagram – on sait à peu près tout de ses conditions de détention dans la colonie pénitentiaire de Pokrov, à une centaine de kilomètres de Moscou.

Dans ce journal de bord à l'humour grinçant, l'opposant raconte son quotidien entre absurdités et humiliations, fouilles au corps dénudées, privations de sommeil. Lors d'une conférence en octobre 2021, à l'hôtel de ville Paris, le comédien Matthieu Amalric lui a prêté sa voix.

Dans ses écrits, Navalny ne cesse pas de se moquer du pouvoir. Tandis que ses anciennes vidéos, qui dénoncent la corruption des élites, continuent de propager son message. Le documentaire (sous-titré en français) qu'il a réalisé sur le faramineux palais de Vladimir Poutine en Mer noire, une résidence à plusieurs centaines de millions d'euros, est même devenue la vidéo la plus regardée sur YouTube en Russie : 121 millions de vues. Son empoisonnement sera quant à lui prochainement au coeur d'un documentaire des chaînes de télévision américaines CNN et HBO Max. 

Pas de perspective rapide de sortie

Condamné à trois ans et demi (avec la résidence surveillée dont il avait fait l'objet, il lui restait deux ans et demi à faire à la date de sa condamnation), le prix Sakharov 2021 est libérable l'an prochain. Juste avant la présidentielle de 2024 (pour laquelle il est toujours déclaré inéligible).

Mais sa libération reste théorique : entre-temps le parquet a lancé d'autres procédures contre lui. Entre autres pour blanchiment d'argent et financement d'activités terroristes. Des affaires montées de toutes pièces selon les ONG, pour lesquelles il risque jusqu'à dix ans de prison supplémentaires.

Et le rouleau compresseur avance. Sa fondation anti-corruption, FBK, a été classée "organisation extrémiste" ; la justice a même le droit de poursuivre ses anciens membres, qui en faisaient partie quand elle était légale. Deux proches de Navalny, réfugiés à l'étranger, ont même rejoint il y a quelques jours la liste des "terroristes et extrémistes", sur laquelle figurent déjà les talibans et l'État islamique. "Les autorités russes ont orchestré une campagne impitoyable contre Alexeï Navalny", disait déjà Amnesty International en janvier 2021, "un acharnement pour réduire au silence une voix importante de l’opposition".

Les voix critiques sous le rouleau compresseur

Au-delà du cas Navalny d'ailleurs les voix critiques sont de plus en plus sous pression en Russie. Les ONG ou les médias qui ne soutiennent pas la ligne du Kremlin sont désignés comme des "agents de l'étranger", ce qui rend leur travail au quotidien extrêmement compliqué. En décembre dernier, l'ONG Mémorial, un pilier de la défense des droits humains et un gardien de la mémoire des victimes du Goulag, a ainsi été dissoute par la justice russe pour n'avoir pas respecté ses obligations d'"agent de l'étranger".

Cette répression s'illustre aussi sur internet : la Russie sanctionne sans cesse davantage les grandes entreprises du numérique, surtout étrangères, accusées de ne pas effacer des contenus liés à l'opposition. Les artistes, les blogueurs, les avocats, les scientifiques font l'objet de menaces et de harcèlement judiciaire. La semaine dernière, coup de théâtre, c'est un humoriste réputé, Viktor Chenderovitch, scénariste de l'équivalent des Guignols de l'info, qui a quitté la Russie par crainte de poursuites. Comme lui, ces derniers mois, ils sont des dizaines à avoir été contraints l'exil.

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