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Russie : les soutiens de Navalny ont-ils fragilisé Vladimir Poutine ?

En Russie, la contestation monte face à Vladimir Poutine. Des manifestations massives en soutien à Alexei Navalny, l'ennemi numéro 1 du Kremlin, ont été violemment réprimées ce week-end. Le président russe est-il pour autant fragilisé ? Rien n'est moins sûr.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Arrestation d'une manifestante lors d'un rassemblement de soutien à l'opposant Alexei Navalny à Moscou (Russie), le 23 janvier 2021. (AFP)

Ces manifestations, nées de l'arrestation d'Alexei Navalny le 17 janvier 2021, puis de la publication de sa vidéo dénonçant le mirifique palais de Vladimir Poutine sur la mer Noire, disent beaucoup de la rage, de l'amertume de la population (en tout cas d'une partie de la population) contre la corruption du pouvoir, son autoritarisme et la propagande d'État.

Mais l'intransigeant patron du Kremlin n'a pas d'autre scénario en tête que de mater cette contestation, par les arrestations, les condamnations, la censure des réseaux sociaux.Il ne laissera faire ni la rue ni la société civile – dont il fait de manière générale assez peu de cas.

Atteinte à l'état de droit

Et peu importe que dans les chancelleries occidentales on dénonce une dérive autoritaire, une remise en cause "insupportable" de l'état de droit comme l'a fait ce dimanche 24 janvier Jean-Yves Le Drian sur franceinfo. Ces concepts sont ceux d'un modèle qui n'est pas celui de la Russie, et qui inspire à Vladimir Poutine plus de mépris que de respect. En Russie, l'opposition a surtout le droit... de se taire.

Vladimir Poutine a toujours le soutien de sa population: il reste l'incarnation du  "Moujik", un homme fort à la tête d'une grande puissance internationale qui compte, qui définit même les règles du jeu – comme en Syrie ou dans son arrière-cour qu'est l'ex-empire soviétique.

Une popularité qui s'effrite

Vladimir Poutine enregistre aujourd'hui environ 60% d'opinions favorables. C'est beaucoup mais c'est beaucoup moins qu'il y a deux ans, quand il était à plus de 80%. Rarement, depuis 20 ans qu'il est au pouvoir, ce taux a été aussi faible.

Sa côte de popularité dégringole parce que la situation économique se dégrade. Baisse des salaires, impopulaire réforme des retraites, hausse des prix et des tarifs des services publics...

Le mécontentement est aggravé par la crise du Covid-19. Selon l’École des hautes études en économie, 40 % des Russes ont moins de pouvoir d’achat, et 10 % ont perdu leur travail. Sa base de soutien s’est érodée : chez les jeunes en manques de perspective, les hommes d’affaires qui veulent sortir du marasme, et parmi l’élite intellectuelle.

Navalny, pas (encore) assez populaire

Jusqu'ici Alexei Navalny – qui n'a pas accès aux grandes chaînes de télévision, tenues par le pouvoir – n'est pas une figure populaire en Russie. Berlin, Paris ou Bruxelles en ont certes fait un héros de la liberté, une figure emblématique. Mais chez lui, en Russie, après son empoisonnement au Novitchok il n'y a pas eu d'élan de sympathie massif. D'après un centre d'étude indépendant, Levada, seuls 20% des Russes soutiennent son action.

Mais les choses sont peut-être en train de changer. Sa vidéo qui démonte pendant 1h52 l'indécence du palais de Vladimir Poutine près de la mer Noire a dépassé ce lundi 25 janvier 86 millions de vues. De la même manière, les vidéos de soutien sur les réseaux sociaux ont malgré la censure recueilli plus de 120 millions de vues. Dans un pays de 145 millions d'habitants c'est beaucoup. Cela va sans aucun doute doper sa popularité.

L'opposition reste faible

Toutefois Alexei Navalny aura du mal à s'imposer par les urnes : il a été déclaré inéligible jusqu’en 2028. Sa stratégie, c'est le "vote intelligent". Demander aux électeurs de voter pour n'importe quel candidat, nationaliste, communiste, peu importe. Tant qu'il ne s'agit pas du candidat de Russie Unie, le parti présidentiel.

En 2019, le "vote intelligent" a permis à l’opposition de remporter près de la moitié des sièges lors d’élections locales à Moscou. Mais en septembre 2020, les alliés d'Alexei Navalny n'ont pu se faire élire que de manière symbolique dans des scrutins régionaux en Sibérie (les seuls où leurs candidatures n’avaient pas été invalidées en amont). Partout ailleurs, ce sont les candidats du pouvoir qui ont gagné, le plus souvent sans même s’embarrasser d’un second tour.

Le Kremlin va tout faire pour rééditer ce succès et garder la majorité absolue aux élections législatives de septembre 2021. Vladimir Poutine ne se fait pas trop de soucis : grâce à la modification de la Constitution qu'il a fait valider l'été dernier, il peut même se repésenter encore deux fois après la fin de son mandat actuel qui se termine en 2024. Et rester au pouvoir jusqu’en 2036. 

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