Sécheresse en Himalaya : il ne neige plus sur les glaciers et près de deux milliards de personnes vont être touchées
Gulmarg est l'un domaines les plus hauts et les plus spectaculaires au monde. Il emmène les skieurs jusqu'à près de 4 000 mètres d'altitude. Or - scène à peine croyable dans cette zone du Cachemire indien - ces contreforts de l'Himalaya qui auraient dû être tout blancs sont restés désespérément bruns et secs en décembre et janvier.
La patinoire de la station, construite récemment, s'est transformée en pataugeoire. Les remontées mécaniques ont été fermées, les hôtels sont restés vides avec un personnel désœuvré... Du jamais vu en 20 ans. Certes, il a enfin neigé le 31 janvier et depuis deux jours l'espoir renaît, mais cela ne suffira sans doute pas à rattraper la saison.
"J’ai tous les jours envie de pleurer", se lamente auprès de l'AFP Mubashir Khan, organisateur de voyages "aventure". 70% de ses réservations ont été annulées. Son entreprise est au bord de la faillite et il a même dû suspendre son projet de mariage.
L'agriculture impactée
La région est en fait victime d'une sécheresse exceptionnelle. Depuis l'automne, il ne tombe pas de pluies, pas de neige, et les températures affichent en moyenne six degrés de plus que la normale.
Le manque d'eau pourrait aussi avoir un impact désastreux sur l'agriculture, pilier économique de la région. En raison du réchauffement climatique, les cultivateurs ont déjà abandonné le riz pour planter des arbres fruitiers, moins voraces en eau. Ils sont maintenant impuissants, aucune évolution ne leur est annoncée pour février, alors que les pommiers, poiriers et autres abricotiers sont déjà en fleurs, avec plus de... deux mois d'avance.
Si les glaciers n'arrivent pas à se reconstituer cet hiver, il n'y aura pas de fonte des neiges et pas d'eau dans les fleuves cet été pour arroser les vergers. L'Himalaya est déjà fragilisé par la fonte précoce et continue de ses glaciers, mais "la période de sécheresse actuelle est un événement météorologique extrême", un de ces phénomènes qui "devraient devenir plus intenses et plus fréquents à l’avenir", indique le climatologue Shakil Romshoo, de l’Université islamique des sciences et technologies du Cachemire.
"Le troisième pôle"
Cette situation concerne un énorme bassin de population : on parle du "grand Himalaya", qui inclut les massifs de l'Hindou Kush et du Karakoram. En gros, une zone qui s'étend au nord de l'Inde mais aussi au Pakistan, en Afghanistan et en Chine. On appelle d'ailleurs cette région "le troisième pôle", parce que ses champs de glace abritent la plus grande réserve d'eau douce au monde en dehors des régions polaires. Elle est la source de dix systèmes fluviaux différents qui fournissent irrigation, électricité et eau potable à plus de 1, 9 milliard de personnes.
C'est donc presque un quart de la population mondiale qui va subir de plein fouet d'ici quelques mois les conséquences du bouleversement climatique. Au Cachemire, les autorités ont déjà alerté les habitants sur les fortes perturbations qui les attendent : risques de pénuries d'eau et vastes incendies de forêts.
Début janvier, l’Organisation météorologique mondiale a annoncé que 2023 avait été "de loin" l’année la plus chaude jamais enregistrée. La température mondiale moyenne annuelle était de 1,45°C au-dessus des niveaux préindustriels (entre 1850 et 1900), et rien ne montre que la tendance est à la baisse.
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