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Thaïlande : le crime de lèse-majesté, arme politique

Une Thaïlandaise a été lourdement condamnée pour avoir critiqué le roi. Le pouvoir a de plus en plus recours au crime de lèse-majesté.

Article rédigé par franceinfo, Elise Delève
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Manifestation contre le texte de loi qui protège la monarchie de toute diffamation, l'article 112, à Bangkok (Thaïlande), le 16 janvier 2021. (AFP)

Au XXIe siècle, alors que la Thaïlande est l'un des pays les plus prospères de l'Asie du Sud-Est, il existe dans ce pays un crime d'un autre temps : le crime de lèse-majesté. Une ancienne fonctionnaire vient d'en réaliser la gravité. Anchan Preelert a été jugée cette semaine par la Cour criminelle de Bangkok pour avoir partagé en 2015 un extrait audio sur les réseaux sociaux critiquant le précédent roi Bhumibol décédé en 2016 et son fils, le prince Maha Vajiralongkorn.

Selon le texte de loi qui protège la monarchie de toute diffamation, l'article 112, cette ancienne fonctionnaire des impôts de 65 ans à commis 29 infractions, dont le partage de l'extrait. Le crime de lèse-majesté est passible de 3 à 15 ans de prison par infraction. Au minimum, Anchan Preelert risquait 87 ans de prison, peine finalement réduite de moitié, car l'accusée a plaidé coupable. Elle écope tout de même de 43 ans de prison, c'est la peine la plus sévère jamais prononcée dans le royaume pour insulte à la monarchie. Son avocat indique qu’elle peut faire appel.

41 manifestants poursuivis depuis le début de la contestation

Cette fonctionnaire condamnée ne fait pas partie du mouvement des jeunes Thaïlandais qui réclament plus de démocratie depuis l’été dernier. Mais la sentence est clairement un message envoyé aux manifestants. Le crime de lèse-majesté est une véritable arme politique que le pouvoir dégaine quand ça l'arrange, à chaque fois qu'il sent de l'agitation politique ou populaire. Alors que l'article 112 n'était plus utilisé depuis deux ans, 41 manifestants dont deux mineurs sont poursuivis depuis le début de la contestation.

En décembre, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme s’était dit "vivement préoccupé" par de le recours croissant à l’article 112. Le gouvernement se défend : les militants sont libres de manifester mais de manière "constructive et bénéfique pour la société", et sans critiquer, appeler à la haine ou diffamer.

Un crime pour une majesté pas si exemplaire

Au début de la pandémie, alors que son pays entrait dans le confinement, Rama X, de son vrai nom Maha Vajiralongkorn, a préféré aller dans un hôtel de luxe en Allemagne. Suscitant la polémique, aussi bien en Bavière qu'en Thaïlande, il est rentré. Et depuis quelques mois, il ne bouge plus de son royaume, et fait même des déclarations d'amour aux Thaïlandais.

La semaine dernière, on l'a vu en jean, basket et polo dans plusieurs prisons du pays en train de balayer le sol et de parler aux responsables et aux détenus. Des images inédites qui visent à calmer la colère qui gronde et le montrer plus proche du peuple. Il était accompagné de sa maitresse (sa concubine officielle déchue puis réintégrée).

Mais cette opération de charme ne fait pas oublier l'excentricité de ce monarque avide de toute-puissance. Depuis son accession au trône, en 2016, à la mort de son père, il a renforcé ses pouvoirs et a pris le contrôle de la fortune royale, estimée à 30 milliards d’euros

Les manifestants, qui ne défilent plus dans les rues à cause du Covid-19, réclament une modification de la Constitution, le départ du Premier ministre, le contrôle de la fortune du roi et l'abolition du crime de lèse-majesté. Rien n'indique qu'ils soient entendus. Les menaces qui planent sont une façon, comme dit une expression thaïlandaise, de "couper le cou du poulet pour effrayer le singe". 

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