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L'exil doré du roi de Thaïlande en Bavière crée la polémique

La planète à l’heure de la pandémie. Depuis le début du confinement, l'excentrique roi de Thaïlande est en exil en Allemagne, dans un hôtel de luxe bavarois. Et son comportement fait polémique.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le Grand Hotel Sonnenbichl, à Garmisch-Partenkirchen dans les Alpes bavaroises (Allemagne), où réside le souverain thaïlandais depuis plusieurs semaines (STEFFI ADAM/GEISLER-FOTOPRESS / GEISLER-FOTOPRESS)

Fin mars, le souverain thaïlandais quitte Bangkok pour rejoindre la très chic station de Garmisch-Partenkirchen, dans les Alpes bavaroises. Il pose ses valises dans un hôtel de luxe, qu'il connaît bien pour y venir régulièrement l'hiver : le Grand Hotel Sonnenbichl. Et laisse derrière lui, à quatorze heures de vol, 70 millions de Thaïlandais sous état d’urgence et confinés en raison de la pandémie.

Un roi excentrique

L’hôtel est fermé aux touristes mais pas au fantasque Rama X, de son vrai nom Maha Vajiralongkorn, le mouton noir de la famille royale : réputé pour ses multiples mariages ratés, ses colères homériques, son caractère versatile, son train de vie dissolu et son... caniche, aujourd'hui décédé, qu'il avait élevé au rang de maréchal.

En Bavière, les employés de l'hôtel n’ont pas le droit d’accéder au quatrième étage que le roi occupe avec sa suite, mais ils murmurent aux journalistes allemands, comme ici dans le journal Bild (en anglais), que le roi est entouré d’une nuée de serviteurs et d’un harem d’une vingtaine de concubines.

Un aller-retour de 24 heures à Bangkok

Rama X, qui accède au trône en 2016 et se fait couronner en 2019, montre peu d'intérêt pour les affaires publiques. Le 4 avril, alors que les liaisons aériennes sont censées être suspendues, il fait tout même un aller-retour à Bangkok pour une cérémonie officielle : il y reste à peine 24 heures.

Mercredi prochain, le 3 juin, c’est l’anniversaire de la reine, de grandes banderoles à son effigie ont fleuri dans les rues de Bangkok et les gouverneurs de toutes les provinces ont ordre d’organiser des festivités : le roi va-t-il faire un nouveau déplacement express ?

Ce comportement pourrait n'être qu'une exentricité de plus... mais il passe mal, dans un moment crucial. Si la Thaïlande est relativement épargnée par le coronavirus (il y a officiellement 3 000 cas, une cinquantaine de morts), la catastophe est économique : depuis deux mois il n'y a plus de touristes. Or le secteur est la principale ressource du pays (environ 20% de son PIB).

"Pourquoi avons-nous besoin d'un roi ?"

La lutte contre la pandémie a aussi poussé le gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles, comme la possibilité de "censurer ou fermer les médias si cela est nécessaire", pour limiter la propagation de fausses informations sur le coronavirus. Dans un rapport publié le 25 mars, l’ONG Human Right Watch accuse d'ailleurs la Thaïlande d’utiliser la pandémie pour accroître la censure envers la presse et toute opinion critiques émise sur la gestion de la crise. Mais en Thaïlande, on ne critique pas le roi : c’est un crime de lèse-majesté, punissable de trois à quinze ans de prison.

Cela n’a pas empêché les Thaïlandais de lancer sur les réseaux sociaux ce mot-clé en forme de ras-le-bol : #PourquoiAvonsNousBesoinD’unRoi ?

"Le roi augmente chaque année les impôts dans le pays mais n’hésite pas à aller profiter de son harem en Allemagne. #Pourquoi y a-t-il un roi ?" écrit aussi sur Twitter Rishadan Port, membre du groupe de musiciens dissidents thaïlandais Faiyen.

En Allemagne, des militants thaïlandais et allemands ont organisé une manifestation devant son hôtel, projetant des images sur la façade reprenant ce slogan, et des rassemblements ont eu lieu devant l’ambassade de Thaïlande à Berlin.

Le Palais Royal a tenté de calmer la grogne en faisant paraître une photo où l’on voit la reine Suthida confectionner un masque sur une machine à coudre, sans doute pour témoigner de l'engagement du couple dans la lutte contre le coronavirus.

Cela n'a pas suffi. Même les élus allemands s'en mêlent : au Parlement de Bavière, la semaine dernière, la patronne des Verts a officiellement demandé des explications aux autorités allemandes sur ce privilège accordé au monarque depuis deux mois, en pleine crise sanitaire. Son père, aussi craint que respecté, avait tenu 70 ans au "pays du coup d'État permanent". Il aura fallu moins de quatre ans à Rama X pour brouiller et affaiblir l'image de la monarchie.

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