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L'Allemagne teste de nouveau le revenu universel

Benoît Hamon en rêvait, l’Allemagne l’a fait : le revenu universel sans aucune condition est (de nouveau) expérimenté outre-Rhin – à toute petite échelle. Les bénéficiaires toucheront 1 200 euros par mois pendant trois ans. Réaliste ?

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des cyclistes devant la porte de Brandebourg à Berlin (Allemagne). Photo d'illustration. (ODD ANDERSEN / AFP)

Il y avait des volontaires pour ce projet : 2 millions de candidats ! Seuls 122 heureux élus ont été tirés au sort. Ils ont entre 21 et 40 ans, ils vivent seuls et appartiennent à la classe moyenne.

Pendant trois ans, ces Allemands vont recevoir 1.200 euros par mois, sans aucune contrepartie : ils en feront ce qu’ils voudront, s’offrir des vacances, améliorer l’ordinaire, lâcher leur emploi, jouer au poker ou faire des dons à des associations, rien n’est interdit. La seule contrainte, c’est de remplir un questionnaire tous les six mois pour dire - très honnêtement - ce qu’ils ont fait de cet argent. L’initiative, déjà annoncée en septembre 2020, a du être repoussée de plusieurs mois.

Cette initiative, on ne la doit pas au gouvernement, mais à une association militante "Mein Grundeinkommen" (Mon revenu de base) en partenariat avec l’Institut allemand pour la recherche économique (DIW). Ce qui fait à la fois l’originalité et les limites de la démarche, qui reste à toute petite échelle.

Si l'institut est bien connu pour conseiller le gouvernement, l'expérience n’est ni politique, ni idéologique. Elle est avant tout scientifique. "Nous ne sommes ni pour, ni contre le revenu de base, mais nous pensons qu'il est important dans le contexte actuel d'évaluer scientifiquement ses conséquences", assure Jürgen Schupp, l'économiste du DIW.
Les chercheurs veulent étudier de manière très empirique "comment le versement inconditionnel et régulier d’une somme d’argent" confortable "peut jouer sur les comportements." Ils vont donc étudier à la loupe leurs 122 cobayes. Est-ce que leurs décisions de vie vont changer, est-ce que certains vont en profiter pour faire un enfant, reprendre leurs études ou oser une reconversion professionnelle, est-ce qu’ils vont s’investir davantage pour la collectivité ?

Une étude financée par du "crowdfunding"

Un groupe témoin de "jumeaux statistiques", des personnes avec un profil extrêmement proche de celui des cobayes – mais qui eux ne bénéficieront pas des 1200 euros – sera aussi étudié en comparaison. Il s’agit surtout de mesurer l’impact de la mesure sur les individus et la société. L’étude ne dira pas si le projet est viable ni comment il peut se financer à grand échelle. Bilan dans trois ans. Cette expérimentation est financée par des dons privés : 181 000 contributeurs au total ont accepté de financer ce projet, également soutenu par l’université de Cologne.

Sans surprise, l'idée d'un revenu de base sur le long terme attise les critiques. L’opposition dénonce un coût faramineux pour les caisses de l'État, d’autres pointent le fait qu’il inciterait les actifs à quitter leur emploi – et les chômeurs à délaisser leurs recherches. Mais avant les élections législatives du 26 septembre, plusieurs partis en Allemagne se sont positionnés favorablement sur la question du revenu universel. Le principe est notamment soutenu par les Verts allemands, qui sont largement en tête dans les sondages.

Une expérimentation similaire (mais à plus petite échelle) a déjà eu lieu en Allemagne en 2017, une autre en Finlande à grande échelle cette fois, de juin 2017 à fin 2018 sur les chômeurs du pays. Les conclusions de l'étude s'étaient révélées décevantes : malgré une amélioration notable du bien-être de ces citoyens, l'effet sur l'emploi était inexistant.

Malgré cela l’Écosse, l’Espagne et le Royaume-Uni aussi y réfléchissent très sérieusement. Le contexte économique bousculé par la pandémie a permis le retour en force du revenu universel, perçu de moins en moins comme une utopie et de plus en plus comme un moyen de réduire les inégalités.

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