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Vaccins surfacturés, mauvaise gestion de crise : au Brésil, l'étau se resserre autour de Bolsonaro

Au Brésil, l'un des pays les plus touchés par le coronavirus, le président Bolsonaro est plus que jamais sur la sellette, éclaboussé par un scandale de vaccins sur-facturés.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le président du Brésil, Jair Bolsanaro à Brasilia (Bresil), le 29 juin 2021. (EVARISTO SA / AFP)

Trois sénateurs viennent de demander à la Cour suprême d'ouvrir une enquête pour "prévarication" contre le chef de l'État. Cela n'aboutira sans doute pas à sa destitution (même si c'est une possibilité théorique) mais ce nouveau scandale le fragilise alors que son image est déjà considérablement ternie par sa gestion chaotique de la crise.

Jair Bolsonaro, c'est le président qui parle du Covid comme d'une petite grippe, qui refuse de porter le masque en public et qui ne s'est pas pressé pour acheter des vaccins. Cette fois-ci, on lui reproche de n'avoir pris aucune mesure contre un gigantesque réseau de corruption au sein du ministère de la Santé. En mars, un haut fonctionnaire du ministère, Luis Ricardo Miranda, responsable des importations médicales, voit atterrir sur son bureau une facture suspecte : 45 millions de dollars pour l'achat de 3 millions de doses d'un vaccin indien, le Covaxin. 15 dollars la dose, déjà c'est énorme, et d'autant plus suspect que quelques mois plus tôt, le gouvernement avait refusé une proposition moins chère de Pfizer-BioNTech. Mais surtout ce vaccin – qui n'est pas homologué – n'a jamais été livré.

Le fonctionnaire commence à poser des questions... Trop de questions, sans doute : ses supérieurs lui demandent en gros de se mêler de ce qui le regarde. Au fil des semaines, d'autres irrégularités apparaissent. Le contrat est visiblement bidon, le gouvernement finit par l'annuler. Luis Miranda est-il responsable de la "déroute générale", comme le dit ce tweet ?

Elu grâce à son programme anti-corruption

Mais le fonctionnaire et son frère, un député soutien de Jair Bolsonaro, demandent audience au chef de l'État, pour lui raconter l'histoire. Réponse de l'intéressé (élu on le rappelle en 2018 grâce à son programme anti-corruption) : "Je m'en occupe".
Or, il apparaît aujourd'hui qu'en réalité, il a tout fait pour étouffer l'affaire. La seule enquête qu'il ait ouverte... c'est contre le fonctionnaire, qu'il accuse de "dénigrement" et qui se retrouve avec une procédure disciplinaire sur le dos.

Avec ce scandale l'étau se resserre autour de Bolsonaro. Jusqu'ici la commission parlementaire qui enquête sur sa gestion de la crise sanitaire n'avait que des preuves de négligence et de déni. 

Le chef de l'État est dans une situation d'autant plus difficile que l'instigateur de ce mega-contrat fictif qui devait récupérer les 45 millions c'est quelqu'un qu'il connaît bien : Ricardo Barros, ancien ministre de la Santé, député qui dirige la coalition pro-Bolsonaro au Parlement. M. Barros a nié toute malversation, arguant que le contrat a finalement été annulé et accusant lui aussi les frères Miranda de mener une campagne de dénigrement à son encontre.

Le lâcher publiquement, ce serait perdre un soutien politique essentiel qui jusqu'ici l'a protégé d'un nombre incalculable de procédures en destitution (115 demandes !)... mais le couvrir – comme il a commencé à le faire – ce serait attiser un peu plus la colère populaire alors que la campagne de vaccination patine et que 2 000 personnes meurent encore chaque jour du Covid au Brésil. De nouvelles manifestations ont d'ailleurs lieu mercredi dans tout le pays pour lui demander de quitter le pouvoir. Le temps est peut-être venu pour Bolsonoro de rendre des comptes.

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