EDF : un mouvement de grève historique
"Le mot de l'éco" aujourd'hui, c'est EDF avec un mouvement inédit des salariés d'EDF mercredi 26 janvier, précédé du coup de colère du PDG, Jean-Bernard Lévy, qui dans une lettre aux cadres du groupe, évoque un choc après les annonces du ministre de l'Economie.
Les boulets roulent sur le pont de l’électricien public, un parfum de mutinerie contre le capitaine, Bruno le Maire, et l’amiral, Jean Castex, les deux visages de l’Etat, actionnaire d’EDF à 84%. Mercredi 26 janvier, l’électricien public a vécu un mouvement de grève historique, dirigé contre le gouvernement.
franceinfo : C'est presque 43% des agents en grève : du jamais vu...
Direction et syndicats ne se sont même pas livré à une guerre de chiffres. L’intersyndicale souligne d’ailleurs que de nombreux cadres ont débrayé. Ce mouvement inédit des salariés a été précédé d’un autre évènement plutôt rare : le coup de colère quasi public du PDG, Jean-Bernard Lévy.
Dans une lettre adressée aux cadres du groupe, c’est-à-dire plusieurs milliers de personnes – autant dire qu’il ne visait pas vraiment la confidentialité – Jean-Bernard Lévy évoque un choc, suite aux annonces de Bruno le Maire, le ministre de l'Economie, et il prévient : il prendra les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts d’EDF. On en est rendu là…
On le sait, c’est parce que le gouvernement "tape" dans le trésor de guerre d’EDF pour garantir sa promesse de maîtriser les factures d’électricité, mais est-ce bien la seule raison ?
C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, une grosse goutte quand même, puisqu’elle risque d’amputer les résultats d’EDF de 7 à 8 milliards d’euros. En plus, pour sauver sa promesse, menacée par l’inexorable montée des cours de l’électricité, l’Etat appuie là où EDF a mal : il renforce un mécanisme que l’électricien public aimerait au contraire voir disparaître. Il s’appelle l’ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), mais rien à voir avec un combat de gladiateurs, enfin à première vue.
Sous l’impulsion de l’Union européenne qui a décidé la libéralisation du marché de l’énergie, EDF doit, depuis 2010, céder à ses concurrents à prix coûtant un quart de sa production d’électricité nucléaire. Il s’agit de permettre à cette concurrence de vivre dans un pays où EDF est quasiment le seul producteur.
EDF vend donc cette partie de la production, à une quarantaine d’euros le mégawatt heure, quand le même se négocie à plus de 200 euros sur les marchés. Alors quand l’Etat lui demande de rajouter 20% d’électricité à bas prix en plus, dans le panier de la concurrence, afin qu’elle répercute la ristourne sur ses factures, forcément, la couleuvre a du mal à passer.
Et ce n’était donc pas la première ?
Non en effet, Jean-Bernard Lévy vient à peine de digérer la précédente, la mise au rebut du plan Hercule, ce plan de réorganisation d’EDF qui comprenait des privatisations partielles et une séparation du groupe en trois branches. Voulu par l’Etat pour négocier des avantages à Bruxelles, il a été préparé par le PDG. Il a soulevé contre lui l’unanimité syndicale.
Face au blocage, Bercy a pris les manettes sans trop de pincettes, pour finir par enterrer le projet et laisser le PDG grommeler qu’il n’y avait pas de plan B pour redresser les finances d’EDF. À cela, on peut ajouter les leçons publiques que l’Etat ne s’est pas privé d’infliger à EDF, dans le dossier Flamanville.
De quoi faire serrer les dents au fier PDG, qui ressent une certaine lassitude à se sentir considéré comme une sorte de sous-secrétaire d’Etat à l’électricité, tenu de se mettre au garde-à-vous quand c'est nécessaire, lui qui a été nommé par François Hollande pour remplacer le turbulent Henri Proglio, il finit par prendre la plume pour déclarer la patrie EDF en danger, face à son principal actionnaire.
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