Cet article date de plus d'onze ans.

Arbitrage Tapie : l'Elysée était-il à la manoeuvre ?

France Info vous le révélait mercredi : le domicile et le cabinet parisiens de Claude Guéant, l'ex-secrétaire général de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, ont été perquisitionnés dans l'enquête sur l'affaire Tapie-Lagarde. Les juges et les enquêteurs s'intéressent au rôle de Claude Guéant au moment de l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie dans le cadre du litige l'opposant au Crédit Lyonnais. La justice se demande si Nicolas Sarkozy est intervenu dans le processus.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (©)

L'origine de l'affaire remonte à 1992. François Mitterrand fait entrer
Bernard Tapie au gouvernement. Mais ce dernier doit se séparer de son groupe et
vendre la marque Adidas. Bernard Tapie confie cette tâche au Crédit Lyonnais. On
connaît la suite : l'ancien président de l'OM affirme avoir été largement floué par la banque. Il reviendra à l'Etat de régler le passif de la banque.

En 2007, les procédures judiciaires se sont accumulées et aucun accord
n'a été trouvé avec Bernard Tapie. Christine Lagarde, ministre de l'Economie de
Nicolas Sarkozy, décide de mettre un point final au litige avec l'homme
d'affaires et revendique l'idée de procéder à un arbitrage.

Une procédure d'arbitrage est une manière de régler les conflits sans passer
par la justice ordinaire, c'est-à-dire publique. Les deux parties se mettent
d'accord sur le choix de trois arbitres. Dans le cas de l'affaire Tapie, la
sentence des arbitres tombe en juillet 2008 : l'Etat est condamné à verser 400
millions d'euros d'indemnités à l'homme d'affaires, intérêts compris, dont 45
millions au seul titre du préjudice moral.

"Des choix politiques " selon Stéphane Richard

La sentence arbitrale fait scandale. Des députés socialistes saisissent la
justice. Ils se demande si cet arbitrage n'a pas été truqué, comme un cadeau
fait à Bernard Tapie. L'actuelle patronne du FMI s'en est toujours défendue.

"Est-ce que vous croyez que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ? ,
demande-t-elle sur le plateau de France 3. Et est-ce que vous croyez que j'ai
reçu des instructions ? Non. Je crois que c'était la bonne décision car il faut,
à un certain moment, tourner la page.
"

La patronne du FMI est pourtant aujourd'hui au coeur d'une des trois
instructions menées sur cette affaire. Christine Lagarde devrait être entendue
très prochainement par la Cour de Justice de la République (CJR). Elle risque
une mise en examen pour " faux " et "détournement de fonds publics " .

Il apparaît
qu'en 2007, sa volonté de recourir à un arbitrage dans le dossier Tapie ne
faisait pas l'unanimté à Bercy. Certains de ses conseillers affirmaient
que pour l'Etat, le risque financier était considérable. Plus l'enquête avance
et plus les proches collaborateurs de l'ancienne ministre avouent qu'ils n'ont
fait que suivre des consignes.

Interrogé samedi dernier par Julie Boch Lainé sur
France Info
, l'ancien directeur de cabinet de la ministre, Stéphane Richard
(actuel patron de France Télécom) dit comprendre que cette procédure ait pu
"choquer beaucoup de gens ". Mais il ajoute : "Moi, j'ai la conscience totalement
tranquille. Ce n'est pas à moi de justifier des choix qui étaient des choix
politiques, et qui de m'appartiennent pas
".

Dix-huit rendez-vous entre Sarkozy et Tapie

La justice veut savoir si l'Elysée a joué un rôle dans ce dossier.
L'hebdomadaire L'Express a révélé mercredi que les agendas de Nicolas Sarkozy font
état de 18 rencontres avec Bernard Tapie entre janvier 2007 et décembre 2010. Si
les deux hommes ne sont ni amis, ni alliés ni même adversaires politiques, quel
était l'objet de leurs rendez-vous ?

Lorsqu'il avait été entendu par la commission des finances de l'Assemblée
nationale
, Bernard Tapie avait martelé qu'il n'y avait pu avoir aucune pression
politique dans son dossier. Que les trois arbitres choisis était parfaitement
indépendants. Pour cette mission, ces arbitres, Pierre Mazeaud (ancien président
du Conseil constitutionnel), Jean-Denis Bredin (avocat) et Pierre Estoup ont
perçu un million d'euros. L'un d'entre eux, Pierre Estoup, aurait dû être récusé,  affirme le professeur de droit et spécialiste de l'arbitrage Thomas Clay. Car il
avait traité plusieurs dossiers avec Maurice Lantourne, l'avocat de Bernard
Tapie. Ce qui n'a jamais été révélé par le tribunal arbitral.

Reste qu'aujourd'hui, tous les recours possibles contre la sentence ont été
épuisés. Pour contester la décision devant un tribunal, il faudrait qu'un fait
nouveau soit révélé par la justice, qu'elle prouve que le recours à l'arbitrage
était illégal. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, l'hypothèse que Bernard
Tapie puisse rendre à l'Etat ses millions pourrait être envisagée.

 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.