Don d'organes : il manque plus de 12.000 greffons chaque année en France
En 2012, pour la première fois, le seuil des 5.000 greffes d'organes réalisées en France a été franchi, avec 5.023 transplantations.
Mais parallèlement, plus de 17.600 malades étaient en attente de greffe, leur vie suspendue à la mise à disposition d'un cœur, de poumons, d'un foie, un pancréas ou encore un rein (voir l'infographie ci-dessous) comme Jean-Louis, 69 ans, rencontré juste avant sa greffe rénale à l'hôpital de La Pitié-Salpétrière. Après dix-huit mois de dialyse, il attendait "ce moment avec un peu d'inquiétude et d'impatience aussi" lorsqu'il a reçu il y a quelques jours, peu avant minuit, l'ordre de se rendre à l'hôpital. "Le grand jour est arrivé, c'est maintenant", confie-t-il avant de descendre au bloc pour recevoir un nouveau rein.
Le don est anonyme et gratuit : aucun lien ne doit pouvoir être établi entre le donneur et le receveur. L'Agence de la Biomédecine est chargée de faire appliquer ces principes, et de gérer à la fois le registre des refus de don sur lequel chacun peut s'inscrire dès 13 ans, et la liste des patients en attente de greffe.
Comme pour Jean-Louis, dans 94 % des cas les greffons proviennent de donneurs décédés, en état de mort encéphalique au moment du prélèvement.
Au siège de l'agence, le Pôle national de répartition des greffons (PNRG, notre photo) croise les caractéristiques des donneurs (groupe sanguin, "carte d'identité tissulaire", taille et poids pour les greffes thoraciques etc.) et les données des receveurs en attente de greffe, afin d'identifier les compatibilités optimales. D'autres critères comme l'urgence vitale d'une greffe, la proximité géographique ou l'ancienneté sur cette liste d'attente sont également pris en compte.
Avant la greffe, le don
Au cœur du dispositif, les coordinateurs hospitaliers. Chargés à la fois d'annoncer la mort et de proposer
de transmettre la vie. Ils vont devoir faire comprendre à la famille du défunt ce qu'est
la mort encéphalique — la destruction totale et irréversible du cerveau bien que
l'on continue à faire fonctionner artificiellement les organes par des gestes
de réanimation. Quand cette mort si particulière est comprise par les proches, le coordinateur va évoquer le don d'organes.
"On leur demande ce que le défunt en pensait, s'il s'était exprimé sur le sujet", explique Jérôme Michaud, coordinateur hospitalier du prélèvement et du don à l'hôpital de Versailles, "malheureusement, dans 90 % des cas, les proches nous rapportent que le défunt n'en avait jamais parlé" . Ils vont alors devoir parler à sa place : une décision souvent trop difficile à prendre pour des proches confrontés à la brutalité de la mort.
"Diminuer le refus au moment de l'entretien avec les proches, parce que les proches sont dans l'ignorance de notre position, nous permettrait sûrement de réaliser entre 1.000 et 1.500 greffes supplémentaires" chaque année en France, explique le docteur Alain Atinault, patron du prélèvement et du don à l'Agence de la Biomédecine.
"Que l'on soit pour ou que l'on soit contre, l'essentiel est donc de le dire à ses proches pour qu'au moment du décès, ceux-ci puissent témoigner de notre volonté", résume le coordinateur hospitalier.
Manque de moyens
D'autres pistes existent pour faire face à la pénurie de greffons. Comme développer la greffe à partir de donneurs vivants (10 à 11 % aujourd'hui). C'est possible pour le rein puisque nous en avons chacun deux, et que l'on peut vivre avec un seul rein. Pour le receveur, la durée de vie moyenne du greffon est bien supérieure car celui-ci provient en général d'un membre de sa famille avec, donc, une bien meilleure compatibilité.
Les progrès chirurgicaux et technologiques permettent aussi de prélever des organes chez des sujets de plus en plus âgés (jusqu'à plus de 80 ans) tout en assurant une préservation optimale des organes. Les techniques de préservation sont en train d'être sophistiquées, au moyen notamment de machines qui permettent la perfusion permanente des greffons entre leur prélèvement et leur réimplantation (notre photo).
Mais le manque de moyens financiers alloués à l'hôpital public constitue aujourd'hui un frein majeur au développement de ces deux voies de progrès, estime le Pr Barrou, adjoint au chef de service urologie et transplantation à La Pitié-Salpétrière.
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