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Facebook, le plus grand cimetière de la planète ?

La plupart des gens ont aujourd'hui une existence numérique, en plus de leur existence physique. Facebook a récemment franchi la barre du milliard d'utilisateurs. Mais qu'adviendra-t-il de notre page Facebook lorsque nous mourrons ? La Toussaint est l'occasion de se poser la question.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Internet serait-il le plus grand cimetière de la planète ? À l'heure où chaque individu est ultra-connecté au cours de sa vie, où chacun possède un compte Facebook, Twitter, Gmail, Linkedin, eBay, Paypal, Copains d'avant, etc. Qu'advient-il de notre identité numérique lorsque notre corps s'éteint ? Sur Internet, de nombreuses vidéos posent la question du vide numérique que nous laissons derrière nous :

Facebook : combien de pages sont en fait des pierres tombales ?

Le réseau social Facebook a récemment franchi la barre du milliard d'abonnés. Combien parmi eux sont décédés ? Le réseau social ne donne aucune indication sur la question. Une société américaine Entrustet estime que rien que cette année, 2,89 millions de profils Facebook dans le monde seront décédés (soit 5 par minute). Elle estimait ce chiffre à 1,8 million rien que pour l'année 2011. Mais cette estimation peut être contestée au vu de la méthode utilisée.

En tout cas, selon cette étude américaine, ce chiffre est en augmentation. Ce qui paraît logique, lorsque l'on sait que la moyenne d'âge sur Facebook augmente, avec l'arrivée en masse de ceux que les entreprises appellent les "silver surfeurs" (en référence à leur couleur de cheveux, et non au super-héros de Marvel).

Un véritable marché pour de nombreuses entreprises de funéraire 2.0

"Pour Facebook on pense souvent aux jeunes, mais les retraités s'y sont massivement mis, notamment pour communiquer avec leurs petits-enfants ", explique Charles Simpson, gérant de Médias Séniors, une entreprise parisienne de 12 salariés, qui propose notamment son service de "coffre-fort numérique" intitulé La vie d'après. "Et à partir du moment où vous avez créé votre compte Facebook, que deviendra-t-il quand malheureusement vous décédez ? Les gens commencent à s'interroger, cela reste minoritaire, mais avec le mouvement massif des "silver surfeurs" qui arrivent sur Internet, cela va devenir un sujet très important ", prédit ce spécialiste du funéraire en ligne.

C'est pourquoi de nombreuses entreprises se sont engouffrées dans la brèche, créant notamment ces "coffres-forts numériques" qui permettent de stocker à la fois des codes de pages Facebook, Twitter, etc. mais aussi des photos ou vidéos. À votre mort, les codes de ce coffre-fort sont transmis à la (ou les) personne(s) que vous avez choisie(s)  avant de mourir.

Il reçoit des invitations Facebook depuis 4 ans pour sa femme décédée

Un "coffre-fort numérique" aurait peut-être pu soulager Thierry, 48 ans. Sa femme Cécile est morte il y a quatre ans. Depuis cette date - le couple possédant une adresse mail commune - Thierry reçoit des invitations Facebook destinées à sa femme.

Thierry n'était donc pas au courant, mais il existe pourtant une manipulation sur Facebook pour signaler qu'une personne est décédée, en justifiant d'un acte de décès. Le réseau social propose alors deux options : fermer le compte, ou le transformer en mode "commémoratif" où les "amis" pourront continuer à laisser des messages ou hommages à titre posthume.

Sur le blog du réseau social, on apprend que ce système a été mis en place en 2009, après la mort d'un salarié de Facebook dans un "tragique accident de vélo ". Les ingénieurs ont alors été confrontés eux-mêmes à cette situation : que faire de sa page ? Et se sont donc penchés sur la question.

Un mode commémoratif qui peut se révéler utile, mais pour Virginie Sternbach, psychnalyste à Paris, il vaut mieux, à terme, que la page Facebook soit définitement fermée. "Internet est peut-être éternel mais nous ne sommes pas éternels, et Internet devrait s'aligner ", juge-t-elle. "Voir surgir une page Facebook de quelqu'un qui est décédé quand on est dans cet état où on n'accepte pas encore la réalité, ça peut freiner le processus d'acceptation du deuil ", ajoute-t-elle. "Cela peut être violent mais ça peut aussi être une manière réconfortante de sentir qu'il y a encore des gens qui pensent à la personne décédée ", ajoute-t-elle.

Des données en ligne pour l'éternité ?

"Même si elles ne sont plus visibles, les informations et surtout les données relationnelles des utilisateurs décédés (leurs listes d'amis, leurs groupes) restent intactes dans les serveurs de Palo Alto. Rien d'étonnant. Facebook est un service qui ne doit son bon fonctionnement qu'à une architecture de données rigide, de laquelle on ne peut pas – pour des raisons techniques – retirer des profils d'utilisateurs " explique dans cette interview Antonio Casili, sociologue chercheur à l'EHESS et auteur des Liaisons numériques.

Sur les 5.738 plaintes reçues en 2011 par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), seules trois concernaient des suppressions de profils Facebook de proches décédés. "Lorsqu'on demande à ce que les pages soient supprimées, en réalité elles ne sont plus accessibles, mais elles sont conservées sur les serveurs de Facebook ", confirme Paul Hebert, du service juridique de la Cnil.

Pour lui, cette question n'est en fait qu'une déclinaison de la problématique plus globale du droit à l'oubli, "pour les personnes décédées mais surtout pour les vivants ", explique-t-il, "car par définition les morts ne peuvent pas porter plainte . Les Cnil au niveau européen demandent qu'il n'y ait pas de données qui restent en ligne ad vitam æternam ", ajoute-t-il. 

[Mise à jour lundi 5 novembre 2012 : interrogé à ce sujet, Facebook renvoie vers les conclusions de l'audit de l'Irish DPC (la CNIL irlandaise) expliquant que "le rapport confirme que Facebook supprime bien défintivement les comptes des utilisateurs qui en ont fait la demande, ainsi que les informations associées, dans un délai de 90 jours ".]

Mon statut Facebook : "Je suis mort"

Récemment, le problème a d'ailleurs été posé par un député à l'Assemblé nationale : "M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les données personnelles d'internautes accumulées sur internet et sur les réseaux sociaux au fil du temps. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer le devenir de ces informations suite au décès d'un internaute ", interrogeait le député UMP de Lozère, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions sur ce sujet. À l'Assemblée nationale on indique que la page sera mise à jour avec la réponse de la ministre, lorsque celle-ci aura été formulée.

En attendant, on peut toujours aller faire un tour sur les réseaux sociaux "à destination des défunts", comme PeopleMemory récemment lancé, qui permet de créer le profil d'une personne décédée pour que chacun puisse y partager ses souvenirs et photos. Ou encore réfléchir à quel message on aimerait laisser sur sa propre page Facebook, après sa mort, comme le propose l'application "If i die" ("Si je meurs") : 

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