Rythmes scolaires : le coup de poker de certains maires
Certains parents et enseignants sont dans le flou. A trois mois de la rentrée scolaire et à trois semaines des vacances, ils ne connaissent pas les horaires de leur école en septembre. Certains élus assurent en effet qu’ils n’appliqueront pas la réforme des rythmes scolaires à la rentrée. Mais conscients d'y être contraints par la loi, ils réfléchissent à une application minimum, au risque de déplaire aux parents d’élèves. Dans le département de la Drôme, une quarantaine de maires ont décidé de résister en créant un collectif.
A Valence, le nouveau maire UMP est arrivé aux affaires en mars avec une promesse de baisse d'impôts. Nicolas Daragon a donc repris le dossier des rythmes scolaires sur le bureau de son prédécesseur. Il l’a regardé attentivement et il a observé son coût : 900.000 euros. Or, pour lui, il n’est pas question de supporter cette dépense supplémentaire. Il a donc réduit la réforme à sa version minimale. Il y aura classe le mercredi matin, et une garderie, payante, l’après-midi, à partir de 15h30, au lieu des activités prévues. "Cette réforme, que nous trouvons stupide, estime-t-il, c’est plus de deux points d’impôts supplémentaires pour les Valentinois. "
Pour lui, "ce n’est pas le moment d’imposer cette dépense ". A Valence, la réforme est donc réduite à peau de chagrin. Mais en face, certains parents d’élèves sont consternés. Ils s’attendaient à ce que la réforme soient appliquée, avec des activités intéressantes. "Là il n’y aura rien pour nos enfants à la rentrée ", déplore Gwénaëlle Contamine, une maman élue à la FCPE de l’école Freinet. "Pourtant, 90 associations étaient partantes pour organiser des activités , ajoute-t-elle, au lieu de cela, la garderie sera payante, des enfants vont se retrouver dans la rue. " Près de 200 parents ont manifesté mardi soir devant la mairie.
Les enseignants ne savent pas sur quel pied danser
De son côté, le maire de Chatuzange-le-Goubet, à l’initiative de ce collectif de maires en résistance, estime que la quarantaine de communes signataires recouvrent 40% de la population du département. Il s’oppose à cette réforme qui met, selon lui, les communes en difficulté. Mais derrière le discours politique, derrière cette demande constante d’abrogation de la réforme, ils sont bien obligés de s'organiser un minimum. Christian Gauthier souhaite notamment profiter du récent décret de Benoît Hamon qui assouplit la réforme. Il prévoit donc, si le rectorat le permet, de libérer le vendredi après-midi pour organiser une garderie, probablement payante. Pour les parents, c’est encore flou, mais ils sont nombreux à se montrer hostiles à la réforme de Vincent Peillon. "Le vendredi après-midi est la moins pire des solutions ", confie une maman.
Quant aux enseignants, ils ne savent pas sur quel pied danser. Pour la secrétaire départementale du principal syndicat du primaire, le Snuipp, "ce n’est pas très sérieux de ne pas pouvoir donner les horaires de son école aux parents ". Sophia Catella relaie le ras-le-bol des enseignants, lassés des soubresauts de cette réforme. "On demande un cadrage national des horaires , car ce n'est pas acceptable que l'école dépende de la couleur politique des communes." "Qu’en sera-t-il dans six ans ? ", s’insurge-t-elle.
Globalement, les avis des enseignants sont très partagés sur cette réforme. Dans les communes qui l’appliquent déjà, depuis la rentrée 2013, le bilan est positif dans les écoles élémentaires, mais il est plutôt négatif en maternelle, d’après le Snuipp. Denis Godeau enseigne à Montmeyran, en moyenne et grande section. Il estime que les enfants ont manqué de temps d’école cette année, car les après-midi sont trop courts. "On a l'impression qu'on est tout le temps sur le qui-vive, témoigne-t-il, les enfants qui dorment n'ont quasiment plus d'école l'après-midi. "
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Les enseignants de cette commune ont donc décidé de changer leur rythme pour l'année prochaine, ils vont placer les activités en début d'après-midi pour privilégier le temps de classe après 14 heures. Ils s’adaptent. Mais Denis Godeau regrette vraiment que le ministre n'ait pas publié une évaluation précise de cette réforme avant de mettre toutes les communes dans le grand bain. Il le demande à Benoît Hamon.
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