Souvenirs du Prestige, dix ans après la marée noire
Au bar de la plage de
Messanges (Landes), il ne faut pas beaucoup pousser les habitués pour qu'ils se
souviennent de la marée noire causée par le Prestige. "Les galettes de pétrole sont arrivées le 6
janvier. C'étaient nos galettes des rois", ironise Thierry. Ce restaurateur
de Léon se souvient d'une baisse de fréquentation, l'été d'après, de 80 %
pour les visites de sa fabrique de foie gras.
En 2003, Jean La Moliette (photo ci-dessous) vient d'être embauché comme employé communal. Normalement, l'hiver, il s'occupe
plutôt de la forêt. Mais cette année-là, pendant un mois-et-demi, il va aller
ramasser quotidiennement les boulettes de pétrole sur les deux plages de la
commune. Au départ, ils ne sont que quatre avec les tracteurs dédiés au
nettoyage des plages. Mais au bout de quelques jours, une grosse armada se met
en place et jusqu'à une trentaine d'hommes de la sécurité civile, de l'armée et
des pompiers vont venir prêter main forte aux employés communaux. "Heureusement
pour nous, une plage de sable, c'est plus facile à nettoyer que des rochers où
il faut un karcher et frotter ", sourit Jean.
Préjudice difficile à
chiffrer
Du Portugal aux plages du
nord de la France, de janvier 2003 à l'été, le Prestige va cracher ses 77.000
tonnes de fioul de combustion. Il va mettre à mal la pêche aux crustacés en
Galice et au Portugal. Mais la sanction tombe aussi pour les pêcheurs français
: pas de pêche pendant deux ans dans la zone polluée. Pour ceux qui travaillent
plus au large, le poisson se vend mal.
Les pêcheurs seront indemnisés par l'Etat pour le manque à gagner et leurs
actions de nettoyage. Le Fipol (Fonds d'indemnisation pour les pollutions par
hydrocarbure) rembourse ensuite les collectivités à hauteur de 30 % des
dégâts matériels.
Mais il reste des
préjudices qui ne sont pas chiffrés : la baisse de la fréquentation touristique
sera de près de 15 % l'été suivant. Et puis les communes ont du mal à
redresser la barre de leurs finances publiques pendant plus de trois ans. C'est
notamment pour ces raisons que le Conseil général des Landes et 17 communes du
littoral se sont portés parties civiles dans le procès qui s'ouvre à La
Corogne. "Nous savons bien que nous ne récupèrerons pas notre argent, mais
c'est plus une question éthique. Nous ne pouvons pas ne rien faire après ce que
nous avons vécu ", explique Hervé Bouerye, président du Syndicat mixte
landais qui réclame 800.000 euros de dommages et intérêts.
Contrairement au procès de
l'Erika, il n'y a que le capitaine, des membres d'équipage et l'ancien
directeur de la marine marchande qui seront dans le box des accusés. L'ensemble
de la chaîne de responsabilité se perd entre les Bahamas, le Libéria, la Russie
et la Grèce.
Le procès risque d'être frustrant.
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