Le traitement éditorial des violences à Amsterdam
Dans la nuit du 7 au 8 novembre dernier, après une rencontre de la Ligue Europa, des supporters du Maccabi Tel Aviv ont été pourchassés et battus dans les rues d’Amsterdam. Ces attaques, qualifiées d’antisémites, notamment par Israël et les autorités néerlandaises, ont fait de 20 à 30 blessés et suscité l’indignation de nombreuses capitales occidentales. Agnès Vahramian, directrice de franceinfo est au micro d’Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France.
Emmanuelle Daviet : Des auditeurs nous ont écrit pour nous indiquer qu’ils considéraient que le caractère antisémite des violences devait être mentionné à l’antenne, dès que cette information était évoquée. Agnès Vahramian, que répondez-vous à ces auditeurs ?
Agnès Vahramian : Dès 7 h du matin, nous faisons état de ce que l’on sait, de ce qui s’est passé dans la nuit. Pierre Bénazet, notre correspondant, nous donne les premiers éléments : des groupes de jeunes pro palestiniens ont attaqué des supporters israéliens. Il dit aussi que la police néerlandaise parle de "chasse aux Juifs" dans les rues d’Amsterdam, et puis dans les journaux qui vont suivre, effectivement, on donne les éléments à notre disposition, et on répète, parce que ce sont les autorités néerlandaises qui le disent, qu’ils ont vu et qu'ils considèrent que ces actes sont antisémites. Et on va confirmer cette information tout au long de la journée.
À l’inverse, des auditeurs nous ont également écrit pour nous dire qu’ils considéraient qu’il ne s’agissait pas d’antisémitisme. Quelles consignes ont été données pour évoquer le sujet à l’antenne ?
La consigne a été d’abord de vérifier et d’authentifier les vidéos qui avaient été postées dans la nuit. Des vidéos choquantes de supporters du Maccabi Tel Aviv agressés, roués de coups, à qui on demande, sous la menace de crier des slogans "Palestine libre", des supporters pourchassés, à qui on s’adresse en néerlandais ou en arabe et qui, s’ils ne répondent pas – et ça, ce sont des témoignages que l’on recueille – ils sont agressés, jetés même dans le canal en disant : "on te laisse là, ou bien crie "Palestine libre".
Nous avons aussi publié, et c’est important, des vidéos montrant des supporters du Maccabi Tel Aviv, un peu plus tôt dans la journée, crier des slogans anti arabes, des slogans racistes.
Des auditeurs soulignent également la confusion fréquente entre antisémitisme et antisionisme, et ils appellent à une distinction plus claire entre ces deux termes. On constate évidemment, à la lecture de tous ces messages, que le sujet, en plein conflit au Proche-Orient, est évidemment très sensible...
Oui, l’antisionisme a une histoire, celle à l’origine, avant guerre, d’un mouvement juif contre la création de l’État d’Israël. L’antisionisme a été ensuite dévoyé, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale par les nazis, pour justifier le génocide des Juifs. Je renvoie d’ailleurs à votre site, puisque je crois que vous avez mené un entretien pour justement bien reprendre l’origine et l’histoire de ce mouvement antisioniste.
Maintenant, il est bien sûr possible de critiquer la politique du gouvernement israélien, sans être considéré comme un antisémite. Les Israéliens eux-mêmes, la gauche israélienne, critiquent de façon assez virulente la politique de Netanyahou, notamment celle de la colonisation de la Cisjordanie, ou même de la politique du gouvernement, dans la façon de mener de façon brutale la guerre à Gaza.
Mais attention, la critique anti israélienne cache de l’antisémitisme, comme à Amsterdam, quand des militants pro palestiniens tiennent pour responsable des citoyens israéliens de la politique de leur gouvernement, ou comme quand la cause palestinienne est dévoyée, pour nier le droit à l’existence d’un Etat juif, ou quand cette cause palestinienne justifie aussi, en France, des attaques contre des citoyens français d’origine juive. Même pour nous, les journalistes, il est de plus en plus difficile de démêler la critique de la politique israélienne, de l’antisémitisme.
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