Le rendez-vous du particulier. Échec de la réforme des prud’hommes ?
Les députés examineront à nouveau ce lundi 19 novembre le projet de réforme de la justice. L'occasion de s'intéresser au fonctionnement des prud’hommes depuis les ordonnances Macron de 2017.
Ce lundi 19 novembre, le parlement examinera une nouvelle fois le projet de réforme de la justice. Le rendez-vous du Particulier s'intéresse aujourd'hui au fonctionnement des prud’hommes depuis les ordonnances Macron de 2017. S'il y a moins de nouvelles affaires, il n y a pas moins de conflits entre employeurs et salariés. En fait, tout semble fait pour dissuader le salarié licencié de saisir les prud'hommes.
Frédérique Schmidiger a co-signé un dossier sur le fonctionnement des prud’hommes dans le mensuel Le Particulier. Le barème d’indemnisation a changé. Les règles aussi. Et le nombre de nouvelles affaires est en baisse de 15% sur un an, selon la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Mais derrière ce chiffre, se cache une autre réalité, qui est bien loin de refléter une meilleure entente entre employeurs et salariés.
La diminution des recours devant les prud’hommes n’est pas nouvelle. Elle date en fait de 2008 ?
2008 coïncide avec la date de création de la rupture conventionnelle, une troisième voie qui a été ouverte à côté du licenciement et de la démission pour mettre fin au contrat de travail. Cela permet au salarié de quitter une entreprise avec de l’argent (une indemnité de licenciement) en touchant les allocations chômage. En fait, les salariés contestent très rarement ces ruptures conventionnelles. Ce système a donc entraîné une baisse des recours engagés devant les prud’hommes de 44% depuis 2009 !
Autre raison, la procédure bien plus complexe désormais, pour saisir les prud’hommes en cas de licenciement abusif ?
Il faut désormais remplir un formulaire de sept pages. Les salariés doivent détailler leur demande, fournir des pièces justificatives. Il vaut donc mieux se faire aider par un avocat. Beaucoup de salariés renoncent donc à une action en justice. Il y a aussi un autre frein, c’est le délai très court, réduit à un an, pour contester un licenciement, sauf dans les cas de harcèlement (qui fait partie de presque tous les dossiers, selon les avocats) et de discrimination, où on a cinq ans pour agir.
Le délai pour traiter les dossiers reste très long, ce qui est paradoxal, vu qu’il y a moins d’affaires ?
Le délai moyen de traitement des affaires a encore augmenté. En moyenne il faut compter 17 mois et demi, soit un mois de plus qu’avant. Avec, il faut le noter, une grande disparité en fonction des lieux géographiques : entre Paris et Nîmes, par exemple. Il y a également les conseils de prud’hommes où les délais sont tellement longs que l’État est condamné pour la lenteur excessive de la justice. C’est le cas à Bordeaux et Bobigny, Créteil et Nanterre.
La réforme des prud'hommes devait résoudre ce problème de délai mais cela ne fonctionne pas : manque de moyens, manque de greffiers, de juges, de place, de conseillers…Les juges professionnels sont tellement débordés que lorsqu’ils interviennent, cela repousse le jugement de 18 mois.
Le barème d’indemnités, largement revu à la baisse, s’avère très défavorable pour certains salariés
Effectivement, les salariés les plus vulnérables, qui ont peu d’ancienneté - un à deux ans - qui travaillent dans des entreprises de moins de 11 salariés et qui ont des petits salaires ; ils pouvaient obtenir six mois d’indemnité en cas de licenciement abusif. Les juges ne peuvent plus leur accorder qu’un demi-mois à deux mois de salaire s’ils ont un à deux ans d’ancienneté.
Tout cela renforce les conflits entre employeurs et salariés, les rend plus durs et conduit souvent à invoquer un problème de harcèlement, pour une meilleure indemnisation par la justice. Les procédures sont rallongées, tout le contraire donc de ce que la réforme cherchait à obtenir.
"Aux prud'hommes, la justice patine" : un dossier complet signé Anne Dayraut et Frédérique Schmidiger, à retrouver dans le mensuel Le Particulier avec toute une série de conseils donnés aux salariés concernés.
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