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La crise de Cuba : quand l'espion se déguise en play-boy

Au mois de mai 1961, le Kremlin chargea le colonel de ses services de renseignement militaire, Georgi Bolschakov, d'une mission spéciale : gagner l'amitié de l'attorney général américain Robert Kennedy.
Article rédigé par franceinfo
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  (© ----  Georgi Bolschakov est le troisième personnage en partant de la gauche.)

Envoyé à Washington sous couverture journalistique comme chef de bureau de l'agence Tass, ce colonel soviétique se plaisait à faire tourner les têtes des belles américaines.

Cet officier du GRU, grand professionnel du renseignement caché sous le masque d'un play-boy, réussit à convaincre l'attorney général qu'à eux deux, ils pouvaient "changer le cours de l'histoire". En faisant office de ligne directe entre John Kennedy et le Kremlin, ils aspiraient à court-circuiter les rigidités de la diplomatie officielle. Selon les propres termes de Robert Kennedy « une authentique amitié naquit entre les deux hommes» et chaque fois que le président américain avait un message à transmettre au Kremlin, le colonel Bolschakov servait d'intermédiaire.

Une base à la Havane

En mars 1962, Fidel Castro encouragea le KGB à favoriser l'installation, à La Havane, d'une base chargée d'exporter la révolution dans toute l'Amérique latine.  Et en mai, le chef du Kremlin décidait d'installer des bases de missiles nucléaires à Cuba, amorçant ainsi le coup de poker le plus aventureux de toute la guerre froide. Pendant la crise de Cuba, Khrouchtchev transforma même des salles de réunion du kremlin en dortoirs afin de pouvoir prendre une décision fatidique à n'importe quel moment.

En affichant son appui à la révolution cubaine, il cherchait surtout à torpiller les plans d'une éventuelle attaque nucléaire américaine (schéma, rappelons-le, conçu par les services secrets soviétiques et crédibilisé à tel point que Moscou y crut fermement.) Puis, Khrouchtchev se laissa persuader que les Américains ne détecteraient la présence des sites de missiles à Cuba que lorsqu'il serait trop tard pour intervenir.

A tort. En effet, les avions espions U-2 américains volant à haute altitude, étaient parfaitement capables de photographier les bases de missiles en construction. De plus, les techniciens américains étaient également aptes à déchiffrer ces images. D'autant que Washington avait été mis au courant de ces plans de construction par un autre colonel, membre du GRU Oleg Penkovski qui trahissait le Kremlin pour le compte de la CIA et du SIS britannique.

La mystification de trop

Pendant ce temps, le colonel Bolschakov  continuait à rassurer ses interlocuteurs américains. Depuis mai 1961, il rencontrait Robert Kennedy au moins deux fois par mois et la Maison Blanche apportait un grand crédit aux informations de cet homme de l'ombre. Pis, au début de la crise de Cuba, le Kremlin alla jusqu'à compromettre ce maître espion dans une vulgaire opération de désinformation. Et le 6 octobre, Moscou lui donna l'ordre d'affirmer à Robert Kennedy que les armes livrées à Cuba étaient exclusivement défensives.

Ce fut une mystification de trop. Le lendemain, un journaliste proche du président Kennedy Charles Bartlett, déjeuna avec Bolchakov et lui demanda de lui répéter le contenu de la communication venant du Kremlin. Le journaliste américain sortit alors de sa serviette une vingtaine de photos des bases de lancement soviétiques de Cuba et lança au Russe : "Qu'en dites-vous ? Je parie que vous savez certainement que vos missiles se trouvent à Cuba. "

Quelques jours plus tard, à la mi-octobre, l'existence des bases soviétiques en cours de construction, était révélée au grand public. Robert Kennedy s'en prit alors au colonel Bolschakov, soulignant que le président des USA s'était sentit personnellement trompé. Le maître espion était discrédité.

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