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Le sens des mots. Gestation, un terme qui ne s'applique pas qu'à la maternité

Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, le mot gestation.

Article rédigé par franceinfo, Marina Cabiten
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
En France, la gestation pour autrui (GPA) reste interdite (photo d'illustration).  (SANDY AKNINE / PHOTONONSTOP / AFP)

La gestation pour autrui est revenu dans l’actualité en marge du projet de loi de bioéthique, et reste un sujet hautement polémique en France comme ailleurs.

franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. La gestation pour autrui, GPA, autrement dit recourir à une mère porteuse pour concevoir un enfant. Interdite en France, elle est tout de même pratiquée à l’étranger par des couples français et soulève des questions de filiation et d’éthique. Le mot "gestation" vient d’un verbe latin, Mariette Darrigrand, "gero". Un verbe qui ne s’applique pas qu’à la maternité.

Mariette Darrigrand : Non puisque "gero" signifie "je porte". Il donne aussi bien gestation au sens de porter un enfant que de gérer une affaire : en porter le poids, la responsabilité. Ce verbe était extrêmement courant et pouvait concerner de nombreuses choses, spécialement déjà à l‘époque dans le domaine des femmes. Et cela toujours avec quelque chose de l’idée de leur productivité féminine, leur fertilité. A commencer, dans les mythes, par cette femme-mère particulière qu’est la Terre. Dans le monde antique, elle porte ("gère") de nombreux fruits, de nombreuses semences.

Quand on regarde la définition de "gestation" dans le dictionnaire, quelque chose interpelle. C'est selon Le Larousse "l'état d’une femelle vivipare, entre nidation et mise bas". Alors certes nous sommes une espèce vivipare, mais c’est vrai que ce mot, gestation, évoque beaucoup plus le reste du monde animal que celui des humains.

C’est vrai que de nos jours personne ne demandera à une femme enceinte si sa “gestation” se passe bien. Pourtant au départ, la gestation, dans la médecine antique et jusqu’à la Renaissance, était un acte médical qui concernait les humains : il s'agissait de se faire porter sur une chaise ou un lit à porteurs pour être soulagé de ses douleurs. Ce n’est qu’au 18ème siècle que la gestation s'est spécialisée sur la grossesse. Le mot est alors sorti du médical. Et c’est une autre différence sémantique de la GPA avec la PMA : dans "gestation pour autrui" il n’y a pas cette notion de cadre, d’accompagnement par une autorité, qu’on retrouve dans l’expression "procréation médicalement assistée".

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