Réseaux sociaux : quel droit à l'image des enfants vis à vis de leurs parents ?
En période de rentrée scolaire, les adolescents ne sont pas les seuls à poster des photos de leurs nouvelles tenues ou de leur sac à dos tout neuf. Il y a aussi de nombreux papas et mamans très fiers qui diffusent le visage de leurs enfants et de façon excessive parfois. C'est ce que l'on appelle le "sharenting" : un mot valise qui vient de l'anglais "to share" (partager) et "parenting" (la parentalité).
Justine Atlan, directrice générale d'e-enfance, l'association dédiée à la protection des mineurs sur internet, répond aux questions des élèves des collèges Emile-Combes en Gironde et Mont-Sauvy dans les Bouches-du-Rhône à propos de leur droit à l'image.
Les parents doivent demander l'accord de leur enfant...
"Faut-il l'accord de l'enfant pour que les parents puissent poster des photos d'eux ?", interroge Hugo. La réponse est oui. Les enfants, comme les adultes, ont le droit au respect de leur vie privée. C'est écrit dans la Convention internationale des droits de l'enfant dont la France est signataire. C'est aussi garanti par notre code civil. Depuis février dernier, une précision a d'ailleurs été ajoutée dans ce code. Les parents doivent désormais protéger "la vie privée" de leur enfant. Et ça prend notamment en compte le droit à l'image.
Le code civil dit aussi que les parents ont l'obligation légale d'associer leur enfant aux décisions qui les concerne "selon leur âge et leur degré de maturité".
Selon Justine Atlan, le parent doit pouvoir être capable de demander à son enfant : "Est-ce que tu es d'accord pour que je te prenne en photo ? Est-ce que tu es d'accord pour que je te filme ?" Puis lui montrer le résultat, la photo ou la vidéo et lui dire : "Est ce que cette photo et la vidéo, tu es d'accord pour que je la partage ?" Si l'enfant dit non, le parent doit être capable de respecter ça parce que ça veut dire que l'enfant ne s'aime pas sur cette image où qu'il a honte, ou qu'il a peur qu'on se moque de lui", insiste-t-elle.
Et peuvent être contraints à dépublier un contenu
"Les parents risquent-ils de se faire punir par la loi s'ils postent une photo sans l'accord des enfants ?", demande Clémence.
Le vrai ou faux a contacté une avocate en droit du travail et voici sa réponse : "Si tes parents ne sont pas d'accord entre eux à propos de la photo, tu peux demander à celui qui est opposé à la publication de convaincre l'autre. Dans le cas où aucune discussion ne l'aurait fait changer d'avis, vous pouvez saisir la justice. Le juge peut alors exiger la dépublication de l'image. C'est une procédure introduite par une nouvelle loi publiée le 19 février dernier."
"Si aucun de tes parents ne te soutient et que tu penses que cette photo est problématique, qu'elle te fait du mal, qu'elle porte atteinte à ta dignité, tu peux demander à un adulte en qui tu as confiance de faire un signalement, ou appeler toi-même le 119. Une enquête pourra éventuellement être lancée."
Le "sharenting" peut conduire au harcèlement
"Pouvons-nous nous faire agresser suite à des vidéos sur les réseaux sociaux", interroge Calista. C'est un risque, confirme Justine Atlan dont l'association gère le 3018, le numéro dédié au cyberharcèlement. "Ces photos peuvent donner envie à certains adultes dangereux de chercher à rencontrer des enfants pour avoir des relations, qui sont totalement illégales, et pour les agresser sexuellement".
"Est-il vrai que le sharenting conduit souvent à du harcèlement", interroge Tihya. Une photo appréciée des parents ne va pas forcément rendre service à l'enfant, alerte Justine Atlan. "Ses copains de classe ou ses non-copains de classe, d'école ou autre vont peut-être trouver des occasions de se moquer de lui à cause de ça, de l'humilier, de la partager. Donc oui, ça peut donner lieu à du harcèlement. Et puis ça fait des photos, des images qui peuvent être récupérées, transformées, truquées."
Un risque de dépendance aux "likes"
"Est-ce vrai que le sharenting influence le comportement des enfants ?", interroge Yban.
On manque peut-être encore de recul pour déterminer quel impact cela peut avoir à long terme. Mais ce qu'observe Justine Atlan, c'est que chez certains enfants ça créé une forme de dépendance : "Si vous êtes un enfant qui avez grandi avec des parents qui vous mettent tout le temps en ligne, vous allez vous habituer à ça. Vous allez dépendre beaucoup des cœurs, des like, des flammes... Vous vous construisez beaucoup dans le regard des autres et cela va fragiliser votre estime de vous-même parce que vous ne l'aurez pas forgée tout seul, sans le regard des autres. Et donc, contrairement à ce qu'on pourrait croire, certes ça habitue, mais en fait ça rend dépendant."
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