Biais cognitifs : ces erreurs de jugements qui nous font déformer la réalité et croire en de fausses informations

En ce début d'année 2025, franceinfo décrypte les mots liés à la désinformation. Ce jeudi, le Vrai ou Faux s'intéresse aux "biais cognitifs" qui nous font tordre la réalité en fonction de nos perceptions et de nos croyances.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La meilleur façon de lutter contre les biais cognitifs est de refuser les raccourcis de notre cerveau, de toujours envisager que le contraire de ce qu'on pense, soit aussi possible (photo d'illustration). (DELMAINE DONSON / DIGITAL VISION VECTORS / VIA GETTY)

En termes scientifique, on parle de "distorsion dans le traitement de l'information". Les biais cognitifs nous poussent à donner plus ou moins d'importance à une information en la traitant avec nos perceptions et nos croyances, ce qui nous conduit finalement à déformer la réalité.

Un concept né dans les années 1970 

La notion de biais cognitifs existe depuis les années 1970. Elle a été mise au point notamment par le psychologue Daniel Kahneman pour explique au départ les mauvaises décisions dans le monde économique.

Mais elle est devenue à la mode ces dernières années pour parler de lutte contre la désinformation, tant internet et les réseaux sociaux ont tendance à exacerber nos biais et à nous pousser à des décisions ou des croyances non-rationnelles. Ces biais sont à la fois involontaires, inconscients, systématiques, prévisibles et identifiables, selon l'Inserm. Ils sont liés aux sens, à une perception limitée, à la mémoire, au jugement, au raisonnement ou à la personnalité.

Entre 50 et 250 biais cognitifs

Il n'y a pas de liste officielle des biais cognitifs mais il en existe entre 50, selon l'estimation la plus étroite, et 250, selon la définition la plus large. Ces 250 exemples sont classés dans un codex créé en 2016 par l'entrepreneur américain John Manoogian, mais cette représentation ne fait pas l'unanimité car certains biais se ressemblent ou ont peu d'impact.

Des chercheuses québécoises ont créé le site internet Shortcogs.com pour lister la cinquantaine de biais recensés dans la littérature scientifique. Elles citent par exemple le "biais de croyance". C'est de le fait de penser que si quelque chose nous paraît crédible, c'est que ça doit être vrai, alors que pas forcément. L'"effet de répétition" aussi rend une information plus crédible à nos yeux. On peut citer également le "biais de négativité" qui fait qu'on se souvient davantage du négatif que du positif. Le biais cognitif dont on parle le plus quand on parle de lutte contre la désinformation est le "biais de confirmation", à savoir la tendance à ne voir que les arguments qui vont dans le sens de ce qu'on pensait déjà. Et si en lisant ces exemples de bais, vous pensez à quelqu'un d'autre qu'à vous-même, c'est aussi un biais, le fameux "ça n'arrive qu'aux autres".

Tout le monde a des biais, même les scientifiques

Pourtant, personne n'est entièrement à l'abri de céder à ses propres biais. Preuve en est cette malheureuse anecdote datant des années 1980. A l'époque, une équipe de chercheurs français, dirigée par Jacques Benveniste, a publié une étude qui prouvait que des molécules très diluées étaient quand même efficaces et pouvaient servir de médicaments. Ces résultats avaient fait grand bruit et avait satisfait tous ceux qui croient en l'homéopathie.

Mais la polémique allant, une contre-étude avait été réalisée. Cette dernière avait non seulement montré que les chercheurs s'étaient trompés, mais aussi qu'ils avaient été victimes d'un biais de confirmation : ils voulaient tellement que leur théorie soit vraie qu'ils n'ont retenu que les résultats allant dans leur sens et ont mis de côté tous les autres, plus nombreux, qui montraient que ça ne tenait pas.

L'Inserm souligne aussi que les médecins, par exemple, ont régulièrement un "biais de genre" qui les pousse à penser que les maladies cardiovasculaires et les troubles autistiques seraient plutôt des maladies masculines, tandis que l'ostéoporose et la dépression seraient plutôt des maladies féminines. Cela peut les conduire à des retards, voire des erreurs de prise en charge.

On peut noter néanmoins, avec le docteur en psychologie cognitive Vincent Berthet que nous ne sommes pas tous aussi exposés à tous les biais cognitifs. "Pour chaque biais, on observe que des personnes n’y sont pas du tout exposées tandis que d’autres présentent un biais inverse, explique-t-il dans The Conversation. Par exemple, alors que certaines personnes surestiment l’exactitude de leur jugement, montrant par-là un excès de confiance, d’autres personnes ont le biais inverse, elles sous-estiment l’exactitude de leur jugement."

Réfléchir davantage pour lutter contre ses biais

Le site Shortcogs explique également que les biais cognitifs peuvent jouer un rôle à la fois dans la formation et dans le renforcement des stéréotypes, ce qui peut contribuer au sexisme et au racisme, notamment.

Néanmoins, on l'a dit, ces biais sont prévisibles et identifiables. Il est possible d'apprendre à connaître et à reconnaître ses biais, pour essayer de s'en détacher. L'une des méthodes pour éviter de céder à nos biais est de toujours interroger ce que l'on pense et pourquoi on le pense. Il faut également toujours envisager que le contraire de ce qu'on pense soit aussi possible, afin d'essayer de former un jugement qui soit plus objectif. Globalement, la meilleure méthode pour lutter contre nos biais cognitifs, c'est de refuser les raccourcis de notre cerveau, et de réfléchir davantage avant d'émettre un jugement.

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