Vrai ou faux
Cinq ans après le Covid-19, la Chine a-t-elle déclaré l'état d'urgence sanitaire à cause d'une épidémie de HMPV ?

S'il y a bien une épidémie en cours en Chine, incluant le métapneumovirus humain, celle-ci est saisonnière. Ni les autorités chinoises, ni l'ONU n'ont déclaré l'état d'urgence, contrairement à ce qu'affirment des comptes de désinformation sur les réseaux sociaux.
Article rédigé par franceinfo - Linh-Lan Dao, Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des patients attendant dans une zone de consultation externe du service respiratoire d'un hôpital de Pékin le 8 janvier 2025. (JADE GAO / AFP)

Comme une impression de déjà-vu. "La Chine déclare l'état d'urgence alors que l'épidémie submerge les hôpitaux et les crématoriums", alerte un tweet du mercredi 1er janvier 2025, vu plus de sept millions de fois sur X. Des vidéos prétendant montrer l'affluence dans les hôpitaux chinois se multiplient aussi sur les réseaux sociaux depuis mi-décembre 2024. Alors, qu'en est-il vraiment ?

Dans son dernier bulletin de surveillance nationale des maladies infectieuses respiratoires aiguës, publié le 2 janvier, le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CDC) constate que plusieurs pathologies "affichent actuellement une tendance générale à la hausse continue". Le taux de positivité du virus de la grippe a par exemple augmenté de 6,2%, entre la 51e et la 52e semaine de l'année 2024. "La grippe est généralement dans une période épidémique saisonnière", explique l'institution.

Quelles sont les pathologies qui circulent en Chine cet hiver ? Les personnes hospitalisées pour des infections respiratoires aiguës sont principalement atteintes par "le virus de la grippe A, Mycoplasma pneumoniae, et le métapneumovirus humain" (ou HMPV, pour "human metapneumovirus"), précise le CDC. Le niveau de l'épidémie de grippe "varie parmi les différentes provinces, avec une hausse dans le Nord, mais reste inférieur à l'année précédente", précise l'agence. La Mycoplasma pneumoniae, une bactérie qui selon la Haute Autorité de santé (HAS) se transmet par les postillons et peut provoquer des pneumonies, recule, selon la même source. Pour se prémunir contre ces maladies, le CDC recommande à la population de prendre des précautions bien connues du grand public : port du masque, lavage des mains, vaccination.

Le HMPV, un virus connu et généralement bénin

Qu'en est-il du métapneumovirus humain ? Toux, fièvre, nez bouché, éternuements… Les symptômes du HMPV sont ceux des maladies hivernales. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), contactée par franceinfo, assure que la plupart des cas sont "bénins" et précise : "Les cas graves peuvent entraîner une bronchite ou une pneumonie, en particulier chez les nourrissons, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées." Les personnes souffrant de maladies pulmonaires préexistantes, comme l'asthme, présentent aussi un risque plus élevé de complications. Il n'existe, à ce jour, aucun vaccin contre le HMPV. Toutefois, "la population est régulièrement en contact avec le virus" du fait de son ancienneté, explique à franceinfo Paul Loubet, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Nîmes (Gard). 

En effet, ce métapneumovirus n'a rien de mystérieux. Il a été mis au jour par des chercheurs néerlandais dans une étude de 2001 et circulait déjà en Hollande en 1958. "On ne peut pas considérer que c'est un nouveau virus, tranche Paul Loubet. C'est un virus saisonnier qui circule en hiver." Tout comme la grippe. En France, le dernier pic de HMPV a été observé entre fin janvier et début mars 2024, selon Xavier-Marie Duval, infectiologue à l'hôpital Bichat Claude-Bernard. Ce virus est "normalement peu virulent", explique le spécialiste. "Cependant, tout comme les coronavirus qui existaient bien avant le Covid et qui étaient eux aussi peu virulents, on n'est jamais à l'abri de l'émergence d'un variant virulent", anticipe le médecin auprès de franceinfo. 

Aucun état d'urgence déclaré

Alors, faut-il s'inquiéter ? Pour l'heure, ni le gouvernement chinois, ni l'OMS n'ont déclaré l'état d'urgence. Le correspondant de Radio France en Chine, Sébastien Berriot, n'a pas constaté d'affluence anormale dans les établissements de santé, ni à la fin du mois de décembre, ni début janvier. La situation épidémique actuelle en Chine "n'a rien d'exceptionnel", selon lui. "Les hôpitaux pédiatriques sont toujours bondés à cette période de l'année, relate-t-il. Même en temps normal, il y a la queue tout le temps." 

Sébastien Berriot alerte sur les vidéos montrant des hôpitaux chinois surchargés. Si certaines semblent récentes, "il y a [aussi] des vidéos sur les réseaux sociaux occidentaux qui diffusent des images catastrophiques datant de 2022", relève-t-il. À ce moment-là, la Chine avait brusquement levé les restrictions sanitaires de sa politique zéro Covid, provoquant une explosion des cas dans les jours et les semaines qui avaient suivi.

C'est le cas d'une vidéo publiée samedi 4 janvier 2025 sur TikTok et visionnée plus de 60 000 fois. Elle se demande si "HMPV est le nouveau Covid" en montrant des images d'hôpitaux surchargés ou encore la façade d'un établissement de santé. Mais cette vidéo est en réalité un montage d'images diffusées en décembre 2022 et en janvier 2023, au sujet de la pandémie de Covid-19. On peut également mentionner cette photo montrant des patients perfusés, publiée sur X le 22 décembre 2024 sans contexte, alors qu'elle a déjà été publiée le 24 décembre 2022, notamment par la Radio Télévision suisse.

D'autres images datent de l'hiver 2023-2024. Une vidéo datant du 5 janvier et vue plus de 145 000 fois sur TikTok reprend notamment, sans la remettre dans son contexte, une image de foule masquée qui attendait devant un hôpital pour enfants de Pékin le 27 novembre 2023, selon Reuters. Un hiver qui avait été marqué par une hausse des cas de maladies respiratoires en Chine. L'OMS s'était alors inquiétée et avait demandé des informations aux autorités chinoises.

Pour l'infectiologue Paul Loubet, les scènes d'affluence dans les hôpitaux n'ont rien de surprenant à cette période, y compris en France. Selon un bulletin national de Santé publique France publié le 2 janvier, "la hausse des passages [aux urgences] pour grippe/syndrome grippal" s'est poursuivie en semaine 52 "dans toutes les classes d'âge (+53%)". "Dans notre hôpital, c'est par exemple compliqué actuellement, avec un afflux de patients adultes qui viennent avec des infections par le VRS [virus respiratoire syncytial] ou la grippe", témoigne Paul Loubet, à propos de son quotidien au CHU de Nîmes.

"Il suffit qu'il y ait une circulation simultanée de plusieurs virus, qui touchent les mêmes publics à risque, pour engorger les services hospitaliers", précise le médecin. Par exemple, la saison hivernale 2022-2023 avait été marquée par la survenue d'une triple épidémie (grippe, Covid-19 et bronchiolite), selon Santé publique France, qui avait alors provoqué une hausse de la fréquentation des hôpitaux. 

En résumé, si la Chine constate bien cet hiver une hausse généralisée des cas de maladies infectieuses respiratoires dans tout le pays, les publications mentionnant la mise en place d'un état d'urgence et faisant état d'hôpitaux exceptionnellement submergés sont infondées et trompeuses.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.