Le vrai du faux. La moitié des personnes interpellées à Paris, Lyon et Marseille sont-elles des étrangers ?
Peut-on établir un lien direct entre immigration et délinquance ? C'est la question qui a été posé à Eric Ciotti pendant l'interview de 8h30 sur franceinfo, mercredi 14 juin. "Ce n'est pas moi qui le fait, c'est le ministre de l'Intérieur, a répondu le président du parti Les Républicains. Vous avez en mémoire les chiffres qu'a donné le ministre de l'Intérieur : 50% des mis en cause dans les grandes villes Lyon, Paris, Marseille sont des étrangers. Ce n'est pas un jugement, c'est un fait et on ne peut pas lutter contre les faits."
Immigration et sécurité : Il y a une "surreprésentation" des étrangers dans les prisons, selon Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, qui estime "qu'il y a trop d'étrangers qu'on ne peut pas intégrer et qu'il faut limiter les flux migratoires" pic.twitter.com/tD0VJFHIu9
— franceinfo (@franceinfo) June 14, 2023
En effet, on ne peut pas lutter contre les faits, mais il est toujours bon de les vérifier et de les expliquer, surtout quand il s'agit de chiffres devant être pris avec beaucoup de prudence.
40% à 50% des interpellés sont étrangers
En août 2022, il y a quasiment un an, le ministre de l'Intérieur avait en effet indiqué dans une interview au Journal du dimanche que 48% des personnes interpellées à Paris étaient étrangères, 55% à Marseille et 39% à Lyon. Le chiffre parisien, réutilisé par Emmanuel Macron à l'automne, avait été confirmé par la préfecture de police de Paris à franceinfo et ne portait que sur les premiers mois de l'année 2022. Les deux autres n'ont pas pu être confirmés et les données ne sont pas publiques.
Mais, contrairement à ce qu'affirme le président du parti Les Républicains, Gérald Darmanin ne fait pas le lien entre immigration et délinquance. Il l'a clairement dit en novembre 2022 : ces étrangers mis en cause sont "une infime partie des étrangers, donc moi, je ne fais pas de lien entre immigration et délinquance".
Chiffres à relativiser
Cependant, ces chiffres sont à prendre avec des pincettes parce qu'ils ne donnent pas une vision exhaustive de la délinquance. D'abord, Gérald Darmanin disait aussi que beaucoup de délinquants étrangers étaient des multirécidivistes, certaines personnes ont donc pu être interpellées plusieurs fois pendant la même période et être comptées plusieurs fois par les autorités, ce qui fausse les pourcentages donnés.
De la même façon, il est possible que plusieurs personnes aient été interpellées pour les mêmes faits, les chiffres des interpellés ne correspondent donc pas forcément aux chiffres des délits et des crimes. A l'inverse, toutes les infractions ne donnent pas lieu à des interpellations.
Mais surtout, comme le dit Eric Ciotti, ces chiffres ne parlent que des personnes "mises en cause", qui n'ont pas été condamnées – soit parce qu'elles attendent leur procès, soit parce qu'elles n'ont pas été poursuivies – donc, potentiellement, dans ces 40% ou 50% d'étrangers parmi les personnes interpellées, il y a des dizaines d'innocents. Et de fait, la part des étrangers parmi les condamnés est largement inférieure. Selon le ministère de la Justice, en 2022, les étrangers ne représentaient que 16% des condamnés.
Délinquance liée à la pauvreté
Il est aussi important de donner un éclairage sur ce qui est reproché à ces étrangers condamnés. Selon l'Observatoire international des prisons, 99,6% des condamnations d'étrangers concernaient des délits, et non des crimes. Selon l'Insee, en 2019, les étrangers sont surtout mis en cause pour des atteintes économiques et financières, comme le travail clandestin, la contrefaçon, et pour des vols.
Une délinquance "typique des milieux populaires", selon l'Institut convergences migrations qui dépend du CNRS, liée au manque d'argent et de moyens plutôt qu'à la nationalité. C'est aussi la délinquance la plus visible et la plus réprimée.
Plusieurs études montrent par ailleurs que les étrangers sont d'une part davantage contrôlés par les forces de l'ordre, et d'autre part plus sévèrement condamnés par la justice. Selon l'Insee, 31% des condamnés étrangers font de la prison ferme, contre 22% des condamnés français.
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