Cet article date de plus de cinq ans.

Le vrai du faux. Non, une étude ne prône pas de droguer les xénophobes pour les rendre plus accueillants

Antoine Krempf passe au crible un fait repéré dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ce vendredi, une étude scientifique manipulée pour nous faire croire à un projet à l'utilisation de drogue pour lutter contre la xénophobie.   

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Exemple de diffusion de la rumeur sur un vaste plan visant à droguer la population pour lutter contre la xénophobie. (CAPTURE D'ÉCRAN FACEBOOK)

L'histoire ressemble à une énième blague, un canular de mauvais goût comme on en voit souvent sur les réseaux sociaux. Depuis quelques jours, de nombreux sites et comptes Facebook relaient cette histoire. Des scientifiques seraient donc en train de travailler à un plan pour utiliser une hormone pour lutter contre la xénophobie en Europe. Pour se donner des illusions de sérieux, la publication précise que ce n'est pas une blague car "c'est paru sur Le Figaro !". 

Et c'est vrai... on retrouve effectivement cette histoire sur le site internet du Figaro. Il s'agit plus précisément d'un entretien filmé paru début octobre avec Olivier Rey, philosophe et mathématicien, interrogé à l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage. 

Voilà le propos, en substance : "Je dois vous avouer que quand j'ai pris connaissance de cet article concernant le rôle que pourrait jouer l'ocytocine pour rendre les populations caucasiennes aux populations migrantes, j'ai cru à un canular. Et puis je me suis aperçu que c'était publié dans des revues scientifiques tout à fait sérieuses (...). La proposition qui est faite, c'est de leur faire inhaler certaines hormones qui induiront le comportement souhaité. Donc là on rentre dans la manipulation totale."

Une étude propose l'utilisation ocytocine pour lutter contre la xénophobie ?

Non. Ceci dit, des chercheurs allemands de l'université de Bonn se sont bien posés la question suivante : existe-t-il des ressorts neurobiologiques pour expliquer la manifestation de l'altruisme envers les étrangers ou la xénophobie. Leurs résultats ont été publié en août 2017 dans une prestigieuse revue scientifique américaine.  

Dans ses travaux de recherche, l'équipe de scientifiques a effectivement eu recours à l'ocytocine. Cette hormone est présente naturellement dans nos corps et de nombreuses études scientifiques ont montré ces dernières années qu'elle semble jouer un rôle important sur nos émotions, l'attachement parents-enfants, la monogamie ou plus largement nos relations sociales.

Pour savoir si cette hormone pouvait provoquer un rapport plus ou moins altruiste envers des étrangers, les chercheurs ont placé une centaine de personnes devant un écran d'ordinateur, dont la moitié devait inhaler une doser d'oxytocine de synthèse. Sur l'écran : 50 vignettes de personnes présentées comme dans le besoin, dont la moitié visiblement d'origine étrangère. Les cobayes disposaient alors d'une cagnotte de 50 euros et pouvaient la distribuer ou non selon leurs envies. Résultat : les personnes qui se disaient déjà altruistes envers les étrangers avaient tendance à donner beaucoup plus. Par contre, l'hormone n'a eu aucun effet chez les individus qui avaient dès le départ exprimé une défiance envers les migrants. Le seul moment où ces personnes ont décidé de débourser un peu d'argent, c'est lorsque les chercheurs leur ont montré que les autres cobayes n'avaient pas hésité à le faire. 

"Quelles conclusions peut-on tirer de ces résultats? Il semble que l'association de l'ocytocine à une norme sociale peut aider à contrer les effets de la xénophobie en renforçant le comportement altruiste envers les réfugiés", notent les scientifiques. En clair, l'objectif n'est pas de droguer des gens pour les forcer à accepter des réfugiés mais de connaître les ressorts biologiques et sociaux qui favorisent la générosité envers des étrangers. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.