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Macron en éboueur, Trump interpellé, Obama et Merkel à la plage… Les images créées par des intelligences artificielles sont de plus en plus réalistes

Plusieurs images mettant en scène des leaders politiques ont circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours, semant parlant la confusion et faisant craindre la propagation de fausses informations.

Article rédigé par franceinfo - Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Images conçues par une intelligence artificielle et partagées sur les réseaux sociaux. (CAPTURE D'ECRAN)

Emmanuel Macron assis sur des tas d'ordures devant la Tour Eiffel, ou en costume et gilet orange en train de ramasser des poubelles en pleine grève des éboueurs contre la réforme des retraites, ou avec des CRS dans la fumée des gaz lacrymogènes ou encore Emmanuel Macron interpellé par les forces de l'ordre… Ces images ont été partagées des dizaines de fois sur les réseaux sociaux. Les scènes, improbables, ont été créées par une intelligence artificielle et ont plutôt fait sourire. Mais en même temps, elles interrogent par leur réalisme de plus en plus poussé, car elles représentent un risque de désinformation.

Des fausses photos de plus en plus réalistes

Ces images ont toutes été créées par Midjourney, une intelligence artificielle (IA) mise au point par un laboratoire indépendant américain et lancée en juillet 2022, au départ pour créer des œuvres d'art numériques. Son fonctionnement est simple : n'importe quel internaute peut se connecter au "salon" de Midjourney sur le réseau social Discord et lui demander de lui inventer une fausse photo en lui disant par exemple "Emmanuel Macron assis sur un tas de poubelles à Paris". L'IA va ensuite chercher des éléments de détails dans les milliards de véritables images qui sont disponibles sur internet pour les regrouper et en inventer une fausse correspondant à la commande.

Dans le même genre, on a aussi vu de fausses photos de l'ancien président américain Barack Obama et de l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel ensemble à la plage, en train de manger des fraises ou de faire des pâtés de sable. Ou encore une image du Pape François dans une grosse doudoune blanche.

La fausse interpellation de Donald Trump sème le doute

Mais ce sont de fausses images de Donald Trump encerclé par des policiers, en train de se faire interpeller, qui ont véritablement semé le trouble. Elles ont été demandées à Midjourney par Eliot Higgins, le fondateur de Bellingcat, une ONG d'information spécialisée dans l'enquête en ligne et la vérification. Il les a ensuite publiées sur Twitter lundi 20 mars avec le message : "Faire des images de Trump en train de se faire arrêter en attendant son arrestation".

Le journaliste faisait référence à des déclarations de l'ancien président américain, Donald Trump avait annoncé qu'il devait se faire interpeller le lendemain, mardi 21 mars, pour avoir acheté le silence de l'actrice porno Stormy Daniels. L'arrestation n'a en réalité pas eu lieu mais les fausses images ont été abondamment partagées sur les réseaux sociaux et vues des millions de fois. De partage en partage, l'origine des images a été perdue et plusieurs internautes ont cru qu'il s'agissait réellement de photos de l'interpellation de Donald Trump. Une plaisanterie au départ est donc rapidement devenue de la désinformation.

Encore des incohérences dans les détails et les arrière-plans

Alors comment reconnaître les images créées par une intelligence artificielle ? Pour l'instant, ces images ne sont pas encore parfaites, il y a des incohérences visuelles que l'on peut repérer.

D'abord, il faut savoir qu'avec les IA, le diable se cache dans les détails. Prenons l'image d'Emmanuel Macron assis devant des poubelles et des hommes en uniformes, en train de lire un journal. Si on zoome et regarde attentivement, on voit que sa main droite est un peu bizarre, sa montre n'est pas très régulière, ses yeux ne sont pas de la bonne couleur, les traits de son visage sont un peu caricaturaux et sa peau a l'air d'avoir été dessinée. Le journal qu'il semble lire n'est pas écrit en français.

Les IA ont aussi tendance à bâcler les arrière-plans. Sur cette image, derrière le président de la République française, il y a des hommes en uniformes noirs et casques jaunes, mais ce jaune ne correspond à aucun casque d'aucune force de l'ordre française ni des pompiers. Aucun de ces hommes n'a d'ombres et le fond est tout de même très flou, avec certaines lignes incurvées. Autre exemple : sur une image représentant Angela Merkel et Barack Obama à la plage, un homme en arrière-plan n'a que la moitié des jambes et pas de pieds.

Grâce à ces observations, pour l'instant, on arrive encore à voir que ces images ont été inventées. "Cependant, les IA s'améliorent de jour en jour et présentent de moins en moins d'anomalies, donc il ne faudra pas se fier aux indices visuels à long terme", a mis en garde Annalisa Verdoliva, professeure à l'université Frédéric-II de Naples, à l'AFP. La recherche de nouveaux outils est un véritable enjeu de la lutte contre la désinformation.

Polémiques dans le milieu de l'art

Mais Midjourney et les autres IA posent aussi d'autres problèmes tournant autour de la question : qu'est-ce qu'une œuvre ? Les Inrocks rapportent qu'en août 2022, un tableau conçu par Midjourney a remporté un prix dans la catégorie "Artistes numériques émergents" aux Etats-Unis. Le jury ne savait pas qu'il s'agissait d'une image créée par une IA quand il l'a sélectionnée, il croyait qu'elle avait été réalisée par un homme, Jason Allen, sur des logiciels numériques. L'affaire a créé la polémique.

En février dernier, nouvelle polémique. Une autre image créée par une IA a remporté un petit concours de photos australien sur les réseaux sociaux, selon Numerama. Le même mois, aux Etats-Unis, l'US Copyright Office a décidé de retirer la protection par copyright d'une bande-dessinée car son autrice avait utilisé Midjourney. Kristina Kashtanova est reconnue uniquement comme la créatrice des textes mais pas des dessins.

Et les polémiques viennent de s'inviter en France. Dimanche 26 mars, le journal Le Figaro a illustré l'un de ses articles par une image créée par Midjourney, comme on peut le voir dans cette version archivée de la page web. Plusieurs internautes l'ont constaté. Certains s'en sont émus, dénonçant le fait que les médias allaient pouvoir illustrer leurs articles gratuitement, sans avoir à payer un illustrateur ou un photographe. L'image a finalement été changée quelques heures plus tard.

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