Cet article date de plus de deux ans.

Violences conjugales : y a-t-il seulement 2% des femmes victimes qui sont équipées d'un "téléphone grave danger", comme l'affirme Valérie Pécresse ?

La candidate LR à la présidentielle estime que trop peu de victimes de violences conjugales sont équipées du dispositif "téléphone grave danger". Le chiffre est juste, mais il mérite quelques précisions.

Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Valérie Pécresse. AFP. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

"Je veux créer une juridiction spécialisée sur le modèle de ce qui s'est fait en Espagne (...) pour que les téléphones grave danger soient enfin distribués. Aujourd'hui, il n'y a que 2% des femmes victimes qui en sont pourvues", a expiqué la candidate LR à la présidentielle, Valérie Pécresse, dans une vidéo partagée sur Twitter le 8 mars, à l'occasion de la Journée des Droits des femmes.

D'où vient ce chiffre ?

Ce chiffre, Valérie Pécresse le tire d'un rapport de l'association Ofxam rendu public début mars. On y lit que "le nombre actuel de TGD ne représente que de 1 à 2% des cas de violences conjugales". D'après les derniers chiffres du ministère de la Justice, près de 3 500 téléphones sont à disposition des juridictions à ce jour (dont un peu moins de 2 500 déjà été attribués). Les enquêtes de victimation montrent pour leur part que l'on compte près de 220 000 femmes qui se disent victimes de violences conjugales. Un rapide calcul montre que l'on est donc bien autour de 2% de victimes équipées d'un téléphone.

Sauf que ce calcul a ses limites. Le dispositif "Téléphone grave danger" n'est pas prévu pour toutes les victimes de violenes conjugales.

Quels critères d'attribution ?

C'est le procureur de la République qui décide d'attribuer ou non un téléphone grave danger. C'est donc à lui que revient la tâche d'évaluer la situation des victimes. Pour cela, il a notamment la possibilité de demander aux associations qui accompagnent ces victimes de lui remettre un rapport d'évaluation.

La loi prévoit toutefois trois critères principaux d'attribution à respecter. La victime ne doit plus cohabiter avec l'auteur des violences, ce qui est loin d'être le cas des 220 000 femmes victimes de violences conjugales. Il faut aussi que l'agresseur ait une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec cette femme (condition levée si cette procédure n'a pas abouti mais qu'il existe un grave danger imminent ou que l'agresseur est en fuite). Par ailleurs, la victime doit elle-même être d'accord pour détenir ce téléphone.

Toutes les victimes "éligibles" sont-elles donc véritablement équipées ? 

C'est plus difficile à dire. L'association Oxfam, dans son rapport, estime que la justice n'utilise pas assez cet outil et les associations de victimes souhaiteraient également davantage de téléphones. Emmanuel Macron avait promis d'accélérer la généralisation de ce dispositif. Le nombre de téléphones a bien augmenté au cours de son mandat, passé de 543 téléphones déployés en 2017 à 3 461 aujourd'hui. La loi a aussi été modifiée en 2019 pour assouplir les conditions d'attribution.

Toutes les juridictions n'étant pas dotées de la même manière, une question se pose toutefois : un tribunal qui n'aurait que deux téléphones à sa disposition risque-t-il de les attribuer avec trop de parcimonie ? Le ministère de la Justice assure que si une juridiction s'apprête à ne plus avoir de téléphones disponibles, elle reçoit désormais rapidement une livraison de nouveaux téléphones pour n'être jamais en rupture de stock. Contacté, le syndicat de la magistrature n'était pas en mesure de confirmer cette information précise, mais reconnaît que ces dernières années des progrès ont été réalisés sur ce dispositif.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.