Vrai ou faux
Travail : l'absentéisme est-il plus important dans le public et le privé que chez les indépendants ?

Le président de la CPME, François Asselin, déplore l'augmentation de l'absentéisme dans les secteurs publics et privés, alors que les arrêts pour raison de santé coûtent cher à l'Assurance maladie.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
François Asselin, président de la CPME, s'étonne des écarts d'absentéisme entre le public, le privé et les commerçants, artisans, auto-entrepreneurs, professions libérales qu'il représente (photo d'illustration, le 6 mars 2023). (RICHARD VILLALON / MAXPPP)

La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) dénonce des hausses d'impôts "déguisées" pour les TPE et les PME alors que le gouvernement cherche à économiser 40 milliards d'euros de dépenses publiques dans le budget de l'année 2025 et envisage de réviser des exonérations de charges sociales et des aides à l'embauche des apprentis.

Sur franceinfo, mardi 8 octobre, François Asselin, le président de la CPME, invite plutôt le gouvernement à faire des économies en alignant le nombre de jours de carence du public et du privé. Actuellement, quand ils s'arrêtent pour des raisons de santé, les agents publics n'ont qu'un seul jour de carence sans rémunération ni indemnisation, alors que le secteur privé en a trois. 

François Asselin s'étonne des écarts d'absentéisme entre le public, le privé et les commerçants, artisans, autoentrepreneurs, professions libérales qu'il représente. "Le taux d'absentéisme dans le secteur public, c'est 15 jours en moyenne. Dans le secteur privé, c'est 12 jours. Quand vous êtes indépendants, chefs d'entreprise - il y en a quatre millions en France quand même - c'est deux jours et demi", dit-il avant de plaisanter : "Si vous voulez être en bonne santé, mettez-vous à votre compte."

Près de trois jours d'absence indemnisés par an pour les indépendants

Les chiffres donnés par le président de la CPME sont vrais. On peut en effet les retrouver dans deux rapports. Pour les indépendants. François Asselin affirme qu'ils s'absentent uniquement deux jours et demi par an pour des raisons de santé et c'est en effet un chiffre que l'on peut retrouver en faisant un petit calcul, à partir du dernier rapport du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants. Selon ce rapport, l'Assurance maladie a indemnisé 12,1 millions de journées en 2022 pour les travailleurs indépendants. Si l'on rapporte ce nombre de journées indemnisées au nombre de commerçants, artisans, autoentrepreneurs – 4,3 millions – on trouve en effet deux jours et demi d'arrêt de travail indemnisé par an et par personne en moyenne.

Néanmoins, il ne s'agit là que des jours d'arrêt indemnisés alors qu'on l'a vu, les travailleurs indépendants ont trois jours de carence avant d'être indemnisés. Pour être tout à fait rigoureux et pouvoir estimer le nombre de jours d'arrêt pour raison de santé indemnisé ou pas par indépendant, il faut inclure dans ce calcul une estimation du nombre de jours de carence. En 2022, 228 830 indépendants ont bénéficié d'une indemnisation de l'Assurance maladie. On peut partir du principe que tous ont eu trois jours de carence et estimé qu'il y a donc eu près de 690 000 jours d'absence non indemnisés. 12 100 000 + 690 000, ça fait 12 790 000 jours d'absence pour raisons de santé en 2022, soit quasiment trois jours d'arrêts par an. C'est toujours à peu près ce qu'a affirmé François Asselin.

Cette estimation a ses limites, néanmoins, car elle ne permet pas de compter les absences d'un jour, deux jours, ou trois jours qui n'ont pas été suivies par une indemnisation. Une limite importante à garder en tête lorsque l'on compare l'absentéisme des indépendants à celui des secteurs public et privé, dont nous parlons ci-dessous, car les estimations qui vont suivre prennent aussi en compte les arrêts très courts qui n'ont pas été suivis par une indemnisation.

Quelque 14,5 jours et 11,7 jours dans les secteurs public et privé

François Asselin dit que les agents publics s'absentent "15 jours en moyenne" pour des raisons de santé par an, "12 jours" pour les salariés du privé. On peut retrouver ce chiffre dans plusieurs rapports et notamment dans la Revue des dépenses relative à la réduction des absences dans la fonction publique, publiée en juillet dernier par l'Inspection générale des finances. Ce rapport se base sur l'étude Emploi réalisée par l'Insee pour récolter des données sur le monde du travail.

L'IGF a calculé "en moyenne 14,5 jours d’absence pour raison de santé dans l’année [2022] par agent public contre 11,7 jours par salarié du secteur privé", soit à peu près ce qu'a déclaré le président de la CPME. En revanche, il y a de fortes différences entre les trois versants de la fonction publique : il y a 10,2 jours d'absence pour raison de santé par an en moyenne pour les agents de la fonction publique d'État hors enseignants (FPE), 11,7 jours pour les enseignants, 17,1 jours pour les agents de la fonction publique territoriale (FPT) et 18,1 jours pour les agents de la fonction publique hospitalière (FPH). Des indicateurs en hausse entre 2019 et 2022, années marquées par la pandémie de Covid-19.

L'Inspection générale des finances explique que cet écart entre l'absentéisme dans le public et l'absentéisme dans le privé est principalement dû aux caractéristiques des agents publics. Il y a plus de femmes, plus de familles monoparentales, plus de personnes avec des maladies chroniques dans le public que dans le privé, et ces populations s'arrêtent davantage de travailler que les hommes, les familles avec plusieurs parents ou les personnes en bonne santé. Il y a aussi plus de stabilité de l'emploi dans le public, ce qui permet davantage de s'arrêter quand on est malade.

À profil égal, l'écart serait réduit entre les deux secteurs. "À structures d’emplois identiques, pour les caractéristiques susmentionnées, la FPE, la FPH et le secteur privé seraient au même niveau d’absentéisme et l’écart entre la FPT et le privé ne serait que la moitié de celui observé", souligne l'IGF.

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