"Houria" : le corps des femmes et une jeunesse algérienne en quête de liberté
César du meilleur premier film et César du meilleur espoir pour Lyna Khoudri qu'on retrouve dans Houria, la réalisatrice Mounia Meddour continue son auscultation de la société algérienne, après les années de guerre civile. À Alger aujourd'hui, Houria, Lyna Khoudri est une talentueuse danseuse classique, qui la nuit participe à des paris clandestins. Un soir où elle gagne gros, un homme l'agresse violemment.
Traumatisée, le corps meurtri, elle perd l'usage de la parole, et se reconstruit auprès de femmes handicapées, la plupart muettes comme elle. C'est par l'expérience féminine collective, la danse contemporaine, le langage des signes, qu'Houria se relève. Belle métaphore de la jeunesse algérienne, dont la révolte, le Hirak ( manifestations hebdomadaires qui ont eu lieu entre 2019 et 2021), n'a pas eu raison d'un système patriarcal, traditionnel, verrouillé, violent et corrompu.
À défaut de pouvoir montrer ses films en Algérie, Mounia Meddour documente la dérive de l'Algérie par la fiction, et sa complicité avec Lyna Khoudri, qu'elle avait révélée avec Papicha, et qui depuis fait une formidable carrière, illumine ce film.
Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras
Cela fait plusieurs années que la documentariste américaine marque les esprits avec ses films engagés, comme Citizenfour sur Edward Snowden. Ici, elle s'empare d'un autre sujet de société, la crise des opiacés aux Etats-Unis, ou comment ces 20 dernières années, ces dérivés d'opium, normalement prescrits au compte-goutte comme antidouleurs, se sont banalisés, provoquant des centaines de milliers d'addictions et un grave scandale sanitaire, avec la complicité des autorités de santé américaines, accordant des autorisations aux industriels pharmaceutiques, et notamment la fameuse famille Sackler.
Laura Poitras choisit de raconter ce scandale, en suivant le combat de la photographe Nan Goldin, elle-même ancienne accro, dont elle va aussi raconter la vie punk, l'art contestataire, et l'idée d'une Amérique bohème, en marge, non-conventionnelle, notamment au plus fort des années sida.
Et ne vous fiez surtout pas aux aprioris qu'on pourrait avoir sur une telle œuvre, ce n'est ni complexe, ni intello, Toute la beauté et le sang versé est un formidable documentaire, souvent édifiant, parfois bouleversant, qui met en avant une artiste importante, Nan Goldin, peut-être encore sous-estimée aujourd'hui, et qui raconte son histoire intime, ses proches victimes du sida qui tombaient par dizaines dans les années 80, ou l'histoire de sa sœur Barbara, qui s'était donné la mort parce que lesbienne, dans une société qui ne l'acceptait pas encore.
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