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Pourquoi dit-on qu'il ne faut pas se passer le sel de la main à la main ?

"Pose la salière, ça porte malheur !" La tradition et l'usage veulent que l'on ne se transmet pas la salière de main en main. On la pose sur la table et on attend que l'autre la saisisse. D'où vient cette coutume ?
Article rédigé par Philippe Vandel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
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Serait-ce un signe de distinction permettant, sous l'alibi du
savoir-vivre, de trier le petit peuple de la haute ? Pas du tout, c'est
une histoire de blé. Enfin, de blé...

Un indice ? Le mot "salaire" tire son origine du latin "sal" signifiant "sel".
C'est du côté des temps anciens de la Rome Antique que se trouve l'origine de cette pratique, qui n'était en aucun cas une superstition, mais une précaution.
A cette époque, le sel est une monnaie d'échange. Les légionnaires reçoivent d'ailleurs une certaine quantité de sel pour prix des services rendus. Afin de ne pas en perdre un grain, toute famille romaine, même modeste, possède une salière.
Imaginez maintenant que dans un dîner bien arrosé, Claudius passe le sel à son copain Caïus, et là : patatras! La salière ripe, et laisse la précieuse poudre se disperser sur la table, dans les assiettes et dans les verres. L'incident domestique tourne à la catastrophe financière. Deux semaines de salaire partent en fumée. Qui va payer? Claudius qui tenait le récipient? Ou Caïus qui s'apprêtait à s'en saisir ? Quelle tête feriez-vous à un déjeuner de famille, si la moitié de vos revenus mensuels s'évaporaient en une fraction de seconde par la faute du cousin Pierrot ?

Pour éviter tout conflit, pour préserver les amitiés et les relations , l'usage consista à poser la salière bien à plat, sur la table, à portée de main de qui la demandait. En cas de chute intempestive, on connaissait le responsable. Cette précaution n'est pas tombée en désuétude après la chute de l'empire romain. Au cours des siècles suivants, si le sel ne joue plus le rôle de salaire, il reste une denrée rare, d'autant plus coûteuse que désormais des taxes pèsent sur lui.

Au Moyen-Âge, le sel est l'objet d'un impôt sévère : la gabelle . Parce qu'il est indispensable et vital au peuple pour se nourrir, conserver les aliments et élever le bétail, le royaume de France s'en assure le monopole pour mieux le distribuer en petite quantité et le surtaxer ! A la fin du règne de François 1er, le sel coûte aussi cher que les épices venues d'Inde. Le sel a été considéré comme une véritable richesse jusqu'à l'invention au XIXe siècle de la pasteurisation puis du réfrigérateur. Il était appelé l'or blanc.
Maintenant, c'est l'or noir qui fait sa loi. Mais l'addition reste salée.
Jusqu'à preuve du contraire.

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