"La Méduse noire" de Yann Queffélec

La Méduse est noire, certes, mais le nouveau roman de Yann Queffélec, ô combien lumineux !
Article rédigé par franceinfo - Cécile Ribault Caillol
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
"La Méduse noire", Y. Queffélec (Calmann-Lévy)

Sur le chemin des années 60 et de la tentation. La Méduse noire, le nouveau roman de Yann Queffélec, Prix Goncourt pour Les noces barbares, vient de paraître aux éditions Calmann-Lévy.

LIVRES ET JEUNESSE - Ecoutez l'intégralité de l'entretien avec Yann Queffélec (10mn)

Le 27 avril 1962, Eddie Pujol, jeune homme de 20 ans à peine, fait son retour à Marseille après deux ans passés en Algérie. Il part rejoindre Paris, et c'est dans un wagon-restaurant qu'il fait la connaissance d'Agnès. C'est le coup de foudre. Ils sont beaux tous les deux, ne savent rien l'un de l'autre, et vont très vite unir leur destin. Il se dit banquier, chanteur, comédien. Il lui promet un bel avenir mais en attendant, il a complètement coupé les ponts avec sa famille, et en l'épousant, Agnès sait qu'il y a une part d'ombre chez Eddy.

Malgré tout, elle l'aime d'un amour inconditionnel, et c'est à travers leur histoire d'amour que l'on découvre et que l'on comprend les cicatrices. Il y a celles provoquées par la guerre d'Algérie. Ce contexte historique, Yann Queffélec le connaît bien :

"Parce que j'ai eu des amis qui avaient fait la guerre d'Algérie, qui étaient plus âgés que moi. Parce que j'ai plongé directement dans leur mémoire, dans leurs souvenirs, que j'étais à la fois émerveillé et horrifié par ce qu'ils me racontaient. Parce que j'aime les histoires, et que j'ai trouvé dans leur histoire matière au développement d'un roman, qui aurait pour héros un personnage envoyé alors qu'il était presque encore un enfant, c’est-à-dire qu'il devançait l'appel à l'âge de 17 ans."

Des souvenirs certainement à l’image de la personnalité d’Eddy

Tout au long du roman, on imagine sa souffrance intérieure, on craint pour lui qu’il ne dérape : La Méduse noire, symbole de la tentation, n’est jamais loin ! Et à la fois, il a un côté solaire qui le sauve, et qui est en adéquation avec cette époque des années 60. Elles ont été, comme le rappelle aussi l’auteur, celles d’une forme d’insouciance en métropole. 

"C'est le paradoxe de l'histoire. Dans les années 60, on est encore dans la renaissance après la Seconde Guerre mondiale, même si elle commence à s'éloigner. Mais c'est vrai que par exemple, la vie parisienne est extrêmement joyeuse, festive, que Paris vit jour et nuit, que les gens se parlent dans la rue, il n'y a pas encore de portables. Il y a véritablement un esprit de fuite et d'insouciance dans l'Hexagone. Et parallèlement, il y a en fait toute cette jeunesse qui part vers "les événements d'Algérie", comme on n'appelle pas encore la guerre d'Algérie. Et en métropole, comme on dit, on ne sait pas très bien ce qui se passe là-bas, et les endeuillés n'osent pas trop la ramener d'ailleurs, avec les souffrances qu'ils sont en train de traverser." 

Et puis, il y a d’autres cicatrices, celles qui sont liées à la famille, un thème très cher à Yann Queffélec :

"Le drame des familles, moi, j'en suis convaincu, c'est l'orgueil. C'est cette incapacité de prononcer le mot, le seul mot qui suffirait à remettre du lien entre des gens qui risquent sinon de se perdre pour toujours."

Yann Queffélec

à franceinfo

"Quand Eddy téléphone à son père, revenu sur le sol français, pour lui dire qu'il rentre à la maison, voilà, le père décroche, souffle dans le téléphone, et ne dit rien. Il attend que son fils parle. Le fils souffle dans le téléphone, et ne dit rien. Finalement, les deux raccrochent et le silence s'installe entre eux. N’importe quel mot suffirait à tendre un pont entre deux personnes quelques fois", ajoute Yann Queffélec.

On lit ce roman et on pense à la parabole de l'Évangile de Luc, celle du Fils prodigue.

"Cette parabole, elle-même, dit bien quel est le rôle de la famille, et ce que représente la famille, c’est-à-dire un monde qui nous fait à la fois du bien, et qui peut vous faire du mal, qui est à la fois un cadeau et un fardeau, et qui doit constamment ouvrir les bras à ses enfants, parfaitement conscient que les torts sont des deux côtés."

Père et fils parviendront-ils à se retrouver ? C'est la question de ce grand roman d'amour filial et d'amour tout court. Yann Queffélec nous emmène sur un chemin vraiment original, à la fois rempli de secrets et de surprises. La Méduse est noire, certes, mais le roman est lumineux. Aux éditions Calmann-Lévy.

Yann Queffélec (Bruno Levy)

L'intégralité de l'entretien avec Yann Queffélec est à retrouver en haut de cette page Livres et jeunesse.

Bonne semaine et belles lectures à tous !

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