Alain Bernard, double champion olympique de natation : "Me faire suivre par des paparazzis a été compliqué"

Tout l'été, des champions olympiques français se racontent sur franceinfo. Qu'est-ce que leur médaille a changé dans leur vie ? Aujourd'hui, Alain Bernard, premier français champion olympique sur 100 mètres nage libre de l'histoire. C'était à Pékin.
Article rédigé par Cyril Destracque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
La première médaille d'or du français Alain Bernard aux 100 m nage libre à Pékin, le 14 août 2008, en Chine. (VLADIMIR RYS / BONGARTS / GETTY IMAGES 2008)

C'est l'un des sportifs français qui possède le plus beau palmarès. Alain Bernard, double champion olympique sur 100 mètres nage libre et en relais, a également décroché une médaille d'argent et de bronze aux JO de Pékin. Tous les week-ends jusqu'aux Jeux, Cyril Destracque part à la rencontre de champions olympiques pour comprendre ce que la médaille a changé dans leur vie.

franceinfo : Le 14 août 2008, vous décrochez la médaille d'or sur 100 mètres nage libre à Pékin, votre premier titre. Quel est votre sentiment ? 

Alain Bernard : Ce n'est pas de l'euphorie, mais c'est un mélange de sentiments très fort ; un condensé de travail, de doute, de plaisir, d'excitation, de crainte. Et sur le moment, moi je suis super content, parce que je gagne ma finale, et il me faut quelques secondes pour réaliser. Comme je le dis souvent, ce n'est pas n'importe quelle autre finale, c'est la finale des JO.

Votre retour en France a été particulièrement surprenant ?

Oui, c'est vrai. On en prend toute la mesure aussi quand on revient chez nous, ça se matérialise de différentes manières. Cette liesse, cet engouement, le fait que les gens nous reconnaissent dans la rue. Par exemple, je me souviens très bien quand je suis rentré de Pékin, après plusieurs semaines sur place. Je suis monté dans un taxi et le chauffeur que me dit : "C'est génial ce que vous avez fait ! Allez, on remet la même chose dans quatre ans." Et moi, j'avais juste envie de dire : Attendez, laissez-moi un petit peu kiffer ce moment, qui a pris beaucoup, beaucoup d'années à construire.

Donc voilà, par ce type de témoignage spécifique, ça montre aussi qu'on permet aux gens d'oublier leurs tracas, leurs soucis, leurs contrariétés, et qu'ils vivent pleinement ces moments de sport. Et c'est ça la force et la puissance du sport.

14 août 2008 Pékin. Alain Bernard réalise son exploit et remporte la médaille d'or du 100 mètres nage libre devant l'Australien Eamon Sullivan. (VLADIMIR RYS / BONGARTS / 2008 GETTY IMAGES)

Il y a des jours où, depuis 2008, vous avez regretté l'exposition médiatique, la pression, les sollicitations auxquelles vous ont exposé ces titres ?

Je n'ai pas forcément le droit de le regretter, même si je dis que ce n'est pas évident à gérer, parce qu'on est dans un modèle économique aussi en natation, où nos revenus sont basés sur notre visibilité médiatique, l'un ne va pas sans l'autre. Et certaines fois, ça a été compliqué à gérer, parce que je me souviens d'un week-end parisien, je sortais de l'hôtel, et là, on se fait assaillir, avec ma compagne de l'époque, de paparazzis, de photographes, et il y en a un qui commence à me lancer : "Ouais, mais c'est comme ça, ça fait partie du jeu".

Et là en fait, j'ai une hésitation en me demandant s'il fallait que je réagisse, que je monte au créneau pour régler mes comptes avec lui, sachant qu'il y avait d'autres photographes autour, où est-ce que je prenais sur moi. En fait, le côté un peu rationnel qui me caractérise, c'est de dire : "Ok, tempère, prends sur toi !". Il y a des gens qui ne sont pas aussi respectueux que toi, il faut l'accepter.

Et non, ça ne fait pas partie du jeu pour moi. Je n'ai pas fait de la natation pour me faire suivre par des paparazzis, donc c'est ça qui a été compliqué. Cependant, la majeure partie des gens qui vous témoignent leur gratitude sont extrêmement bienveillants.

Au total, vous avez passé quatre médailles olympiques autour de votre cou, qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans ces 'après-sacres' ?

Ce n'est pas quelque chose qui m'a surpris, mais c'est le fait d'avoir à gérer des choses supplémentaires. Quand on est en pleine construction d'objectifs, si un jour on est un peu moins en forme, tout de suite on écrit que le champion olympique est en déclin, plus là, plus au rendez-vous. Des fois, ça heurte.

Et j'ai limité la lecture des articles de presse me concernant, parce qu'il m'est arrivé de tomber sur des articles qui étaient très décevants, sans citer personne. Mais voilà, j'ai terminé deuxième, l'année suivante, aux championnats du monde. Et des médias disaient que j'avais traversé un désert sportif pendant un an, et que je n'étais 'que' vice-champion du monde. Donc voilà, ça, ça peut vite être blessant. Et je pense que ça, c'est une chose sur laquelle on a su évoluer ces dernières années, pour accompagner nos athlètes dans l'après.

Qu'est-ce qui serait différent dans votre vie, si vous n'aviez pas été titré à Pékin, par exemple ?

Peut-être ma reconversion, peut-être mon capital confiance. Et c'est là où il faut être prudent, justement parce que du jour au lendemain, il y a tout le monde qui vous dit : "t'es le meilleur, t'es le plus beau, le plus rapide, le plus fort, etc." Et le piège, c'est de tomber là-dedans, et de le croire. Parce que ce n’est pas du tout le cas.

Il faut être capable de se remettre en question derrière. Néanmoins, il y a quand même cette satisfaction de se dire : je suis parti de vraiment pas grand-chose, de très loin il y a quelques années, c'est super, c'est génial, j'ai coché cette case. Mais il en reste plein d'autres à cocher, parce que quand on est sportif de haut niveau, ça ne dure qu'un temps, et la vie est encore très longue derrière.

À écouter : l'interview intégrale d'Alain Bernard

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