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Elections en Turquie : un scrutin crucial

Le premier tour des élections turques, c'est ce dimanche 14 mai avec l'élection présidentielle qui a lieu en même temps que les législatives. Analyse et décryptage avec Ahmet Insel, journaliste et universitaire turc.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
28 avril 2023. Les affiches de campagne électorale, avec le portrait du président sortant, Recep Tayyip Erdogan, et celui de son opposant principal, Kemal Kilicdaroglu, leader du Parti républicain du peuple depuis 2010. (OZAN KOSE / AFP)

Aujourd'hui dans Micro européen, focus sur les élections présidentielles turques du 14 mai. Les Turcs sont appelés à voter pour l'élection présidentielle et pour législatives, pour renouveler le Parlement. Recep Tayyip Erdogan, le président, est face à un principal opposant, Kemal Kiliçdaroglu. Des élections très attendues dans le monde. 64 millions de Turcs sont appelés aux urnes. Pour décoder l'événement, un universitaire, un journaliste turc engagé, Ahmet Insel.

franceinfo : Ahmet Insel, c'est le grand jour ?

Ahmet Insel : C'est le grand jour oui, parce que c'est vraiment la question qu'on se pose, c'est une sorte de plébiscite ou de référendum. C'est une élection d'abord pour, et contre Erdogan, avant toute chose au niveau présidentiel, c'est un grand moment parce qu'il est au pouvoir depuis 20 ans, depuis 2003.

Il y a 6 millions de nouveaux électeurs, des primo électeurs, la jeunesse, les Turcs de l'étranger sont 3 millions, il y a aussi le vote des Kurdes, et puis les Turcs sont face à une inflation galopante, on parle de 64% mais certains disent c'est beaucoup plus. Il faut dire que c'est une élection que tout le monde attend en Europe ?

C'est ça, même au-delà de l'Europe, j'ai l'impression que dans la région aussi…

En Asie centrale ?

En Asie centrale, chez les voisins, les proches voisins de la Turquie. Alors, c'est une élection qui semble être très serrée, et pour la première fois, Erdogan se présente aux élections, non pas comme en tête de la campagne, mais plutôt en position défensive. Les sondages nous montrent que le candidat de l'opposition est quelques points en avance, mais ce qui est intéressant par rapport à ce que vous avez signalé, la livre turque a perdu plus de 200% de sa valeur. Les primo-votants que vous avez signalés, 6 millions, sont en grande partie au chômage, puisque le chômage des jeunes, c'est 25%.

Il faut dire qu'Erdogan a marqué de son empreinte la vie politique turque. Autant il est proche de Moscou, l'Armée turque est la deuxième armée de l'OTAN, il conclut un accord majeur avec l'Union européenne pour les réfugiés en 2016, et puis Erdogan, il se veut l'incontournable médiateur dans la crise ukrainienne ? 

Oui, tout ce qui est sur la politique extérieure d’Erdogan pèse peu sur la campagne électorale interne. Évidemment, une partie de son électorat, qui reste fidèle et très fier de ce positionnement international d’Erdogan, et puis l'industrie d'armement, qui n'est pas négligeable en termes de puissance et de capacité.

En revanche, il y a aussi un socle religieux qui lui reste très fidèle quoi qu'il arrive. Et puis enfin, un troisième socle, c'est un socle nationaliste, sécuritaire. Et vous avez signalé tout à l'heure le vote kurde. Il utilise énormément aujourd'hui le danger kurde, comme quoi l'opposition sera dépendante des Kurdes, du PKK, etc… C'est l'homme qui aujourd'hui est vraiment fatigué et défensif, mais il reste quand même un grand puissant politique.

Qui est l'opposant principal ?

Kemal Kiliçdaroglu a 74 ans, d'une famille très modeste, il a fait des études classiques de l'école républicaine jusqu'à l'université. Il est un grand serviteur de l'Etat, un grand haut fonctionnaire, directeur général de la Sécurité sociale, et après sa retraite, il s'est lancé dans la politique, et il est devenu pour la première fois député en 2002 du Parti républicain du peuple, et, il est devenu président de ce parti en 2010. Il est diamétralement opposé à Erdogan.

La question qui se pose avec Kemal Kiliçdaroglu, c'est la question grecque, la question de Chypre ? 

La question de Chypre ne se pose pas malheureusement parce que c'est vraiment la politique d'Etat traditionnelle. Ça ne changera pas.

Et face à la Grèce ?

Face à la Grèce, ce qui va changer, c'est que probablement et sûrement, il y aura une reprise de dialogue avec la Grèce. Mais surtout au niveau de politique extérieure, Kemal Kiliçdaroglu s'est engagé à retrouver les liens qui sont un peu rompus avec l'OTAN, par exemple le démantèlement des fusées S-400, autoriser l'adhésion de la Suède et probablement aussi une reprise de dialogue avec l'Union européenne. Avec Moscou, il s'est engagé hier à respecter, en tant que membre de l'OTAN, les sanctions votées par l'OTAN vis-à-vis de la Russie.

Résultats demain soir ?

Demain minuit, on aura probablement les résultats des élections présidentielle et les législatives arriveront probablement dans la matinée de lundi.

Y aura-t-il un deuxième tour ou pas ?

Pour le moment, Kemal Kiliçdaroglu semble être en avance de trois ou quatre points sur Tayyip Erdogan. D'abord, c'est dans les marges d'erreur. En revanche, la plupart des sondages d'opinion, pour le moment évidemment, le donnent gagnant au second tour. Mais entre le 14 et 28 mai, entre le premier et deuxième tour, nous ne savons pas du tout ce qui peut se passer en Turquie.

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