Italie : la méthode Meloni
Focus sur l'Italie avec Daniele Zappalà, correspondant à Paris du quotidien italien Avvenire. Retour sur la loi sécurité de Giorgia Meloni, alors que le projet législatif, déjà voté par les députés italiens, propose de nouveaux délits et de peines plus lourdes.
franceinfo : Deux sujets pour l'Italie, la loi sécurité et l'immigration, pouvez-vous décoder la loi sécurité ?
Daniele Zappalà : C'est un front nouveau, cette politique de Giorgia Meloni, jusqu'à présent, avait été finalement un peu à contre-courant par rapport à la réputation d'extrême droite qu'on lui prête au niveau européen. Là, c'est vrai que ce "décret sécurité" vise à produire un tour de vis pour renforcer le Code pénal, et en même temps introduire des nouveaux délits et crimes.
Certains, notamment, qui visent le droit de manifester. Il y aura un durcissement des peines contre les manifestants qui endommageraient par exemple du mobilier public, même ceux qui feraient de la résistance passive lors de manifestations contre des chantiers publics considérés comme stratégiques, notamment depuis des décennies, le projet de pont – véritable serpent de mer – du détroit de Messine, entre la Sicile et la Calabre.
Donc là, les associations aujourd'hui protestent contre ce "décret sécurité", car on estime qu'il s'agit d'un moyen d'anéantir le droit à la désobéissance civile, et même tout simplement le droit de manifester. Et il y a toute une série de durcissements de peines contre ceux qui s’attaqueraient à du personnel, dans les hôpitaux, les institutions publiques, les fonctionnaires. Mais là, on estime qu’on a poussé un peu trop loin dans le durcissement, et notamment dans le rétrécissement des droits fondamentaux constitutionnels.
Concernant l'immigration en Italie, ce qui est étonnant, c'est que Keir Starmer, le Premier ministre britannique travailliste, a rendu visite à Giorgia Meloni de Forza Italia pour lui dire : "Mais comment faites-vous avec l'immigration ?"
Cela s'est passé dans un très beau cadre, la Villa Doria Pamphilj. Ce qui a étonné surtout, ce sont les grandes déclarations d'estime du Premier ministre britannique, à l'égard de la politique migratoire de Giorgia Meloni. Keir Starmer a de son côté les mêmes problèmes pour essayer de trouver des solutions concrètes, et il a bien loué le côté pragmatique des mesures adoptées en Italie.
Et l'Italie met en avant un chiffre, à savoir la baisse assez spectaculaire du nombre d'arrivées des migrants, moins 60% cette année, de janvier à août, par rapport à 2023, à la même période. Mais c'est aussi le résultat d'une approche très controversée : pour Giorgia Meloni, il s'agit de décentraliser l'accueil de ces migrants, et donc il y a notamment des accords avec la Tunisie, et aussi en Albanie avec la construction de deux centres, un centre d'accueil et un centre de tri, et même un centre de rétention.
C'est vraiment la politique de l’externalisation même, en dehors de l'espace de l'Union européenne. Et cela implique toute une série d'entraves sur les droits des migrants. Par exemple, les avocats qui sont censés défendre ces migrants, doivent faire à chaque fois la traversée.
Il y a aussi la perspective des coûts gigantesques liés à cette externalisation. Mais surtout, il y a les droits fondamentaux de ceux qui pourraient être tout simplement des personnes ayant droit à l'asile politique, qui se voient obligées de demander cet asile dans des conditions bien plus compliquées, et en dehors de l'Italie.
Giorgia Meloni a-t-elle toujours la cote en Italie ?
Il semble qu’elle est perçue par la plupart des Italiens comme un dernier recours après les échecs à répétition des personnalités précédentes, de gauche, du centre, de centre droit. Encore aujourd'hui, on lui prête du crédit, même si on s'est rendu compte qu'elle pèse en fait au niveau européen bien moins que ce qu'elle voulait faire croire.
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