Staline-Poutine : un dialogue improbable
Focus aujourd’hui sur le dernier ouvrage de Vladimir Fédorovski, paru aux éditions Balland, le 17 octobre dernier : Staline et Poutine, dialogues d’outre-tombe. Des dialogues comme une conversation de deux personnages sur l’avenir de la Russie.
franceinfo : À travers ce dialogue entre Staline et Poutine, vous ouvrez grande la porte du roman national russe, mais aussi je note que vous, l’ancien diplomate, vous faites dire aux deux protagonistes, ce que vous avez longtemps gardé en vous-même sans pouvoir en parler ?
Vladimir Fédorovski : Absolument, parce que les révélations dans ce livre, ce n'est pas seulement historique, il y a l'histoire secrète de Poutine, il y a le parallèle psychologique entre les deux personnages, Staline et Poutine. Mais le plus intéressant, c'est quand Staline parle de Poutine.
Il critique le début de la guerre, mais aussi de toutes les erreurs : approximations occidentales au sujet des sanctions, à propos du fait qu'on a jeté la Russie dans les bras de la Chine. Au sujet du complexe militaro-industriel, on est dans un moment charnière, et c'est pour ça que c'est très important de connaître ce qui est dans la tête de votre adversaire.
Dans cet ouvrage, on note que l’image de Joseph Staline revient en force en Russie à l’heure du conflit ukrainien, pour chasser la période Gorbatchev et Eltsine…
Parce que, historiquement, pour moi, c'est un phénomène unique, vraiment. Moi, j'ai travaillé avec Gorbatchev, et Gorbatchev était populaire en Occident, mais en Russie, c'est 2% d'avis favorables pour Gorbatchev, et Eltsine 2% d'avis favorables. Eltsine est un tout petit peu mieux, il est considéré comme un crétin et un ivrogne, et Staline est de retour en force.
90% des Russes considèrent Staline comme le plus grand homme historique de la Russie, toutes époques confondues, mais ça, c'est le côté psychologique. Tandis que les clés que je donne, et surtout la critique dans la réalité – à la fois par rapport à Poutine et par rapport à l'Occident – quand on est au bord du gouffre, c'est très important à ce moment charnière de l'Histoire.
Vous décrivez dans ce dialogue ce qui lie Poutine à Staline, l’un est l’homme d’un système, quand l’autre a fait le système…
Absolument. En réalité, le vrai inspirateur de Staline, c'est quand même Ivan le Terrible. Mais le vrai inspirateur de Poutine, c'est Staline lui-même. Parce que Poutine pense qu'il faut corriger les erreurs qu'il a commises au début de la guerre en Ukraine, et mener maintenant cette guerre autrement.
On assiste à une nouvelle étape. Je raconte aussi, à la fois l'analyse géopolitique mais aussi l'aspect militaire de la situation pour renverser la table, pour assurer la percée russe. Et on assiste à ça, c'est évident.
Votre livre paraît à l’heure où s’est tenu le sommet des BRICS à Kazan, en Russie, où l’on a évoqué le Sud global…
Exactement. Au sommet des BRICS de Kazan, je trouve qu'on n'a pas analysé à sa juste valeur ce qui se passe. C'est une étape charnière dans la création d'un nouveau monde. On a parlé de la Russie isolée. Évidemment, quand on regarde plus de 30 chefs d'État qui ont été présents là-bas, ça ne correspond à rien.
Mais un nouveau monde sur le plan économique, il faut parler de la fin du règne du dollar, à laquelle on assiste étape par étape, mais surtout diplomatiquement parlant, il s’agit de quelque chose vraiment de très important, je compare le sommet de Kazan avec le dernier sommet de la deuxième guerre mondiale, encore un rappel de Staline, une étape très importante dans l'évolution de la situation.
Mais la situation est aujourd'hui plus que jamais dangereuse, puisqu'on est au bord du gouffre. Et je pense qu'il faut analyser aussi l'évolution de Kazan, à sa juste valeur.
Dans votre ouvrage, ce dialogue improbable entre Staline et Poutine nous permet de comprendre la Russie d'hier et d'aujourd'hui, et peut-être celle de demain ?
Évidemment, parce que sans les clés historiques, on ne peut pas comprendre la mentalité russe, parce qu'on a raconté pendant ces deux ans, beaucoup de bêtises, beaucoup d’approximations. Et en même temps, j'espère contribuer à analyser dans leur justesse, les éléments absolument incontestables dans la bouche de Staline.
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