L'Intelligence artificielle mise à contribution pour décoder le langage des animaux

Des programmes de recherche travaillent à la conception d'un "Alphabet phonétique interespèces", élaboré avec des modèles d'intelligence artificielle.
Article rédigé par Nicolas Arpagian
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des chercheurs en IA, travaillent à la cartographie des répertoires vocaux de la corneille noire, abondante en Europe. Elle a attiré l'attention par son comportement social inhabituellement malléable, les groupes de certaines populations se reproduisant en coopération. (Source : ESP, Projet Espèces terrestres) (SUSAN WALKER / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Cela fait une petite quinzaine d’années que des chercheurs planchent sur des modèles d’apprentissage automatique (machine learning), pour décomposer la pratique d’une langue en une juxtaposition de mots. Et obtenir des traductions ou des constructions de phrases en agençant ces vocables.

Notamment en prenant en compte le contexte, pour éviter les contresens ou les faux amis. Et avec des règles d’agencement des mots, nées de la grammaire propre à chaque idiome. C’est ainsi qu’on a élaboré des logiciels de traduction automatique, qui gagnent de plus en précision.

Vers une analyse de la "conversation" des animaux ? 

Plusieurs programmes scientifiques se consacrent au langage animal. Comme par exemple le projet "Earth species" ou espèces terrestres. Trois de ses experts ont publié cette année un document de recherche à l’Université Cornell, aux Etats-Unis, consacré à une piste que serait un "Alphabet phonétique interespèces", qui servirait à transcrire sous forme de textes, les sons générés par les animaux.

Les scientifiques souhaitent établir un système de transcription qui soit :

  • précis – qui conserve autant que possible les informations de l'enregistrement audio original,
  • concis – afin d’exprimer les informations avec un minimum de jetons (tokens) pour avoir des modèles d’IA qui ne soient pas trop consommateurs de ressources techniques.
  • interprétable, c’est dire qu’il soit à un moment compréhensible par des humains.

Il faut donc composer avec ces trois critères pour élaborer une méthodologie qui fonctionne. Et c’est cela toute la difficulté. Surtout quand on considère la très grande variété du monde animal.

C’est la raison pour laquelle, afin de restreindre leur champ d’action, des chercheurs se spécialisent sur certains animaux. Comme le programme CETI (Cetacean Translation Initiative) fondé sous forme d’ONG en 2020, à partir de travaux conduits depuis les années 1960. Il se consacre exclusivement aux cétacés. L’équipe rassemble des spécialistes de biologie marine, des cryptographes, des roboticiens ou des acousticiens.

Une telle découverte serait-elle forcément vertueuse ?

Chacune de ces équipes de recherche est pleinement consciente que la technologie disponible accélère un possible aboutissement. Et que cela pose dès à présent la question des conséquences d’une telle innovation. Notamment en termes d’impact sur le bien-être animal.

La maîtrise d’une communication interespèces, placée entre de mauvaises mains, peut avoir des effets dramatiques. Par exemple, pour faciliter la capture ou l’exploitation d’espèces sauvages. Avec, à la clé, des troubles sur l’environnement en général, dont on ne mesure pas encore l’ampleur et les effets.

Ce n’est donc pas seulement un sujet de techniciens, mais il exige une approche éthique collective sur l’impact d’une telle découverte. Cette réflexion doit accompagner ces travaux de recherche sur le dialogue interespèces.

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