Processeurs : une bataille entre Intel, Apple, AMD et Qualcomm à l’échelle du nanomètre
Le lancement par Apple de ses propres processeurs pour Mac bouleverse l’ordre établi dans l’univers des puces. Intel, le fournisseur historique des PC, voit sa domination remise en cause, avec AMD et Qualcomm en embuscade.
C’est une guerre industrielle à l’échelle de l’infiniment petit, de l’ordre de quelques nanomètres. Précisons d'entrée l’échelle de cette unité de mesure. Un nanomètre équivaut à un milliardième de mètre. En le disant autrement, il y a un million de nanomètres dans un seul millimètre. Très concrètement, nos ongles poussent d’un nanomètre... chaque seconde ! Regardez vos ongles : vous ne les voyez pas grandir, d’une seconde à l’autre ? C’est logique parce que nous sommes à l’échelle de certains atomes.
L’un des enjeux, pour les fabricants de processeurs, c’est de graver toujours plus finement et, en l’occurrence, encore plus finement que ce qui se fait de mieux aujourd’hui, à savoir 5 nanomètres. Pourquoi graver toujours plus petit ? Plus on grave petit, plus on peut caser de transistors, et donc plus on obtient de puissance ; plus on réduit les distances ; moins on perd d’énergie.
Au bout de la chaîne, une gravure plus fine des processeurs donne des PC et des Mac plus rapides et qui permettent de travailler plus longtemps sans les recharger (dans le cas des portables). L’objectif ambitieux mais réaliste désormais, c’est d’atteindre une gravure en 3 nanomètres en 2023.
Au-delà de la loi de Moore
Un visionnaire avait prédit cette accélération exponentielle dès 1965. Il s’agit de Gordon Moore. La loi de Moore, c’est lui. Il y a plus de 55 ans, le co-fondateur d’Intel avait prédit que le nombre de transistors sur un circuit intégré de même taille doublerait tous les 18 mois. Sa prédiction s’est réalisée au-delà de ses espérances mais aujourd’hui, la révolution en cours est ailleurs. Nous sommes en effet en train d’assister à un changement d’époque. Et Intel qui vient de célébrer le 50è anniversaire du tout premier processeur, le 4004, en fait en ce moment l’expérience.
"Les jours les meilleurs sont à venir."
Pat Gelsinger, CEO d'Intelà The Oregonian
Son nouveau CEO, Pat Gelsinger, a reconnu mi-janvier s’être fait doubler par un nouveau concurrent : et ce concurrent c’est Apple, dont les premiers processeurs pour Mac – baptisés M1 – ont surpris par leur puissance et leur conception relativement révolutionnaire. Celle-ci met la mémoire au centre, à disposition de tous les composants avec pour conséquence, un gain en puissance spectaculaire.
Piqué au vif, le patron d’Intel a lancé ce défi à ses équipes en faisant référence à Apple sans nommer le créateur de l’iPod et de l’iPhone : "Nous devons proposer, à l’éco-système PC, des produits meilleurs que tout ce qui vient d’une entreprise tournée vers les loisirs à Cupertino, a déclaré Pat Gelsinger. Nous devons devenir aussi bons que ça, à l’avenir."
Ces puces conçues par l’équipe de Tim Cook, CEO d’Apple, ont d’ailleurs commencé à remplacer dans les Mac les processeurs fournis par Intel depuis 15 ans : tout un symbole. Mais Intel n’a certainement pas dit son dernier mot. Son nouveau patron affirme que "les jours les meilleurs sont à venir". Allusion, notamment, à la 12è génération de processeurs Intel, surnommés Alder Lake, dont les tout premiers tests s’annoncent prometteurs et qui sont attendus, dans le commerce, début 2022. Jamais, la concurrence – dont AMD fait également partie – n’a néanmoins été aussi forte pour le précurseur des fabricants de processeurs. Forte et nombreuse.
Qualcomm : à la poursuite d'Apple
En plus d’AMD qui vise le même marché, en plus d’Apple – concurrent indirect mais dont les processeurs attirent l’attention et suscitent l’envie – il faut ajouter Qualcomm. Le groupe, basé à San Diego, est spécialiste des modems, ces composants qui permettent de se connecter au réseau mobile, aujourd'hui en 4G ou en 5G.
Mais au début de l'année, Qualcomm a mis presque 1 milliard et demi de dollars sur la table pour acheter Nuvia, une société créée en 2019 par trois anciens d’Apple. Particularité du trio ? Ils ont travaillé tous les trois sur les processeurs des iPhone et des iPad. L’ambition de Qualcomm, avec l’équipe de Nuvia, ce n’est plus seulement de fabriquer des processeurs pour smartphones mais d’inventer le coeur ultra-puissant des PC de demain, ou plus précisément de 2023. On en revient à nos 3 nanomètres. La première tentative de Qualcomm n'avait pas été couronnée de succès. Cette fois, l'outsider semble avoir les moyens de ses ambitions.
Autre signe des temps : Qualcomm n’est pas à la poursuite d’Intel mais bien d’Apple qui, d'un seul coup, est devenu le concurrent à rattraper. Un concurrent très particulier parce que le fabricant du Mac ne vendra probablement jamais ses processeurs maison aux fabricants de PC : Toshiba, Huawei, HP ou Dell. Et si ce n’est plus Intel, pourquoi ne serait-ce pas Qualcomm ? Leur premier processeur pour PC est annoncé pour dans 9 mois.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.