12 ans de guerre en Syrie
Il y a 12 ans, les premières manifestations contre le régime syrien et contre Bachar-Al-Assad, éclataient. Aujourd’hui, sous prétexte qu’il n’y a plus de bombardements et d’opposition armée en Syrie, Damas décrète que la guerre est finie, et entend normaliser ses relations internationales. Mais tout est précaire en Syrie, à commencer par la paix, et la profession reporter y est toujours impossible.
Les manifestations réprimées dans le sang. L’opposition armée. La guerre. Les ruines. L’Armée syrienne libre (ASL). L’organisation Etat islamique, qui infiltre le conflit et jette le trouble entre les lignes. Damas, allié à Moscou pour bombarder Alep, au nom de la guerre contre le terrorisme. Détruire Alep.
L’usage d’armes chimiques sur la population civile. Le silence de la communauté internationale. La torture et les exactions documentées. La misère. La famine. Un pays déchiré exsangue. Les armes finissent par s’époumoner. Suivent les régimes de la peur, des représailles. La crise économique et comme si cela ne suffisait pas; le tremblement de terre, le mois dernier.
12 ans de désastre en Syrie
Et c’est comme si en parler ne changeait rien. Ce n’est évidemment pas la posture d’un journaliste syrien qui a opté pour la littérature : Omar Youssef Souleimane. La profession reporter est impossible. Même avant la guerre. En tout cas, selon les critères de la profession, un journalisme qui ne soit ni propagande du pouvoir, ni opposition partisane. Le difficile équilibre dans une société sclérosée, sous le joug d’un régime autoritaire qui torture.
Et pourtant des tentatives existent, mais trop dangereuses pour durer dans le temps. Omar a dû fuir la Syrie, par la Jordanie d’abord. Après moult péripéties, il rejoindra la France dont il ne connaît pas la langue. Passionné de poésie, il connaît Aragon et Paul Eluard. Mais ce qu’il découvre de Paris, en arrivant, n’a rien à voir avec Paul Eluard.
C’est pourtant en s’appuyant sur la puissance d’un vers, "Et à travers le pouvoir des mots, j’ai refait ma vie", que le journaliste syrien va se reconstruire. Et pourtant, les mots portent le poids de la désillusion. Les paroles qui professent les promesses d’intervention en Syrie, les bonnes intentions de la communauté internationale n’ont pas été suivi de faits. Certes, mais en Syrie, tout a commencé par des slogans écrits sur des murs, des vérités qui ne s’affichaient pas auparavant. Les mots ne sont pas aussi impuissants devant la barbarie. Bien sûr, ils n’empêchent pas la violence et les crimes, mais ils pointent, documentent et dénoncent. Ils ne s’adressent pas au présent mais à la postérité.
Documenter ce qui se joue en Syrie est toujours compliqué. Damas donne les visas au compte-goutte. Le pays vit en vase clos. La famille d’Omar ne peut sortir du pays, et lui ne peut y aller. Il serait sans doute emprisonné, voire tué. Et comme il n’a pas les moyens, une profession reporter à distance, car la valeur du terrain est essentiel, alors il écrit des textes en français. Avec la chance d’être publié par Flammarion. Le Petit Terroriste (2018), Le Dernier Syrien (2020), Une chambre en exil en 2022,, et en septembre prochain, Être français. C’est sa condition de réfugié qui lui sert d’inspiration, le journalisme est devenu trop compliqué.
"Ils ne savent rien des ruines logées dans ma mémoire, des bombardements, des nuits de peur, où l’on était obligé de dormir dans les couloirs pour éviter les balles qui fusaient ; des matins de fuite, quand on courait sans but. Je ne peux pas leur raconter que cette main qui tient une bière, elle a tenu des jeunes hommes juste avant qu’ils meurent."
Omar Youssef Souleimane, journaliste, écrivain et poète syrienExtrait de "Une chambre en exil"
"C’était dans les quartiers les plus abandonnés du monde, poursuit Omar Youssef Souleimane dans son livre 'Une chambre en exil', assiégés par les milices du régime d’Assad, où l’on vivait sans hôpital, sans médicaments, avec beaucoup de morts et très peu d’humanité. Je ne vais pas le raconter, ni à eux, ni à personne. Aucune évocation ne compensera jamais la perte."
Mais à travers le pouvoir des mots, Omar Youssef Souleimane a refait sa vie. En septembre 2023, Flammarion publiera son nouveau roman autobiographique, Être français. Le poète syrien a été naturalisé français en janvier 2022, après 10 ans de vie sans passeport, ni carte d'identité.
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