Arménie-Azerbaïdjan, la guerre larvée
"Profession reporter" évoque aujourd'hui la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, un confit oublié, larvé, et qui ne bénéficie pas d’une large couverture médiatique. Virginie Pironon, grand reporter de la rédaction internationale de Radio France s’est rendue dans les régions du sud, visées par les récentes attaques.
L’agression militaire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie qui a fait plus de 300 morts en septembre dernier est presque passée inaperçue dans la couverture de l’actualité, tant la guerre en Ukraine cristallise les inquiétudes et mobilise les rédactions. Qui plus est, ce conflit qui oppose ces deux pays, avant même l’éclatement du bloc soviétique, porte des enjeux complexes.
Il existe une règle incontournable dans la compréhension des faits, connaître l’historique des situations. A l’origine, la revendication arménienne de faire une province autonome du territoire azerbaïdjanais du Haut Karabakh, puisque dans l’esprit de l’Arménie, cette région fait partie de la grande Arménie qui reliait la mer Caspienne à la mer Méditerranée. L’Azerbaïdjan ne partage pas ce point de vue historique, et l’Arménie est donc intervenue militairement. La guerre a durée jusqu’en 1994.
30 000 morts, près d’un million de déplacés
20% du territoire azerbaïdjanais incluant la région du Haut Karabakh sont occupés par les soldats arméniens soutenus par l’armée russe. Massacre, nettoyage ethnique, non-respect de l’intégrité territoriale d’un État, le Conseil de Sécurité des Nations Unies appellent l’Arménie à libérer sans conditions les territoires occupés et permettre aux populations de regagner ses foyers.
Au fil du temps, le non respect des résolutions onusiennes, pourtant maintes fois répétées, est dénoncé par les organisations non gouvernementales qui œuvrent pour la paix. Et dans ces régions du Caucase, ce pourrissement continue d’alimenter les vieilles rancœurs transmises de génération en génération.
L’animosité ambiante porte les germes d’une nouvelle guerre qui éclatera en 2020, dite la guerre des 44 jours. L’Azerbaïdjan entend reprendre les territoires par la force. Remportant ce nouvel affrontement militaire, l’Azerbaïdjan par traité de paix obtient gain de cause, l’essentiel des sept districts occupés par l’Arménie depuis 30 ans, mais doit renoncer au Haut Karabakh. C’est un des compromis apporté par la médiation de Vladimir Poutine.
L’attaque meurtrière des 13 et 14 septembre ne peut être comprise sans référence à cette guerre des 44 jours en 2020. L’Azerbaïdjan relit la "déclaration" tripartite du 9 novembre 2020. Notamment la construction de "nouvelles voies de communication (…) reliant la République autonome du Nakhitchevan aux districts occidentaux de l’Azerbaïdjan" (article 9). Une route qui doit traverser le territoire arménien et dont le statut juridique reste à définir.
Puisque rien ne bouge, l’Azerbaïdjan a lancé cette attaque, les Russes occupés en Ukraine n’ont pas réagi et assuré la défense des Arméniens, et les Arméniens, population comprise, ne veut pas de ce semblant de corridor qu’ils perçoivent comme une intrusion azerbaïdjanaise sur leur territoire.
Virginie Pironon s’est rendue dans cette région du sud visée par les attaques, à quelques encablures de la frontière avec l’Iran, ce qui donne une photo géopolitique de la zone territoriale, avec la Turquie toute proche aussi. D’ailleurs la reporter de Radio France, en arrivant, a croisé des véhicules du FSB (russe) de l’Union européenne, et des Turques. La situation entre Arméniens et Azerbaïdjanais semble inextricable, les deux pays se rendant coup pour coup. Cela fait un siècle que ça dure.
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