Cet article date de plus de trois ans.

Profession : reporter. Dans les quartiers, les cités, les banlieues

Agressions, trafic de drogues, faits de violences, émeutes, altercations, rixes sont les mots qui reviennent le plus souvent quand l'actualité évoque les cités, les quartiers, les banlieues. Une reporter en résidence de France Bleu Paris a choisi de vivre et travailler en Seine-Saint-Denis. 

Article rédigé par franceinfo - Eric Valmir
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
3 mars 2021. Marche blanche et manifestation hommage à Aymane, adolescent de 15 ans tué à à Bondy le 26 février 2021 en Seine-Saint-Denis. (JULIEN MATTIA / ANADOLU AGENCY)

Hajera Mohammad de France Bleu Paris a choisi de s'installer en immersion en Seine-Saint-Denis pour vivre pleinement son statut de reporter sur un territoire dit "sensible".

Premières violences urbaines, à la fin des années 70

Avant de parler des émeutes, on évoquait le malaise dans les grands ensembles. C'est à la fin des années 70 que les premières violences urbaines ont éclaté dans la banlieue lyonnaise à La Grappinière. Puis les Minguettes et Vaux-en-Velin dans les années 80. Des affrontements avec les premières caméras de télévision autour.

En 1990, à Chanteloup-les-Vignes dans les Yvelines, des bandes rivales s'affrontent à coups de barre de fer et de battes de baseball. Dégâts matériels importants, des blessés, les CRS sont appelés en renfort, la ville est surnommée "Chicago en Yvelines", et inspire à Matthieu Kassovitz le film La Haine.

Puis Sartrouville, Argenteuil, Val-de-Reuil près de Rouen, des morts, des affrontements, des nuits d'émeute. Puis au Parc de la Courneuve, en mars 1994, Philippe Huynh, 16 ans, est tué de deux balles dans la tête par un chef de bande par jalousie, une histoire de fille. Le meurtrier est passé à tabac, avant d'être livré à la police par des jeunes de Garges. Puis, une rumeur court : "Les flics vont le relâcher".

Durant deux nuits, devant les caméras de télévision de plus en plus nombreuses, des groupes vengeurs incendient des voitures, dévastent les centres commerciaux et affrontent les CRS. L'émeute provoque de nombreux blessés, dont, fait rare, des pompiers, et pour la première fois, des journalistes. 

Le 18 mars 2015 à Rennes, 10 ans après la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, un homme colle une affiche lors d'un rassemblement contre les violences policières. 
 (GEORGES GOBET / AFP)

Les années 90 se terminent, les années 2000 commencent. Et le cycle, vols, morts, affrontements, émeutes ne s'interrompt pas et se pose en parallèle des politiques de la ville, des rénovations urbaines, la création de zones sensibles. Les pouvoirs publics tentent de réagir. 

2005 : Zyed Benna et Bouna Traoré

Zyed Benna et Bouna Traoré étaient dans l'enceinte d'un poste électrique alors qu'ils cherchaient à échapper à un contrôle de police. Les émeutes, d'abord limitées à Clichy-Monfermeil s'étendent ensuite à Évry, Grigny, Corbeil-Essonnes et Brétigny-sur-Orge. Elle gagnent ensuite toutes les banlieues françaises. L'état d'urgence est déclaré le 8 novembre 2005, avec la mise en place d'un couvre-feu. 

3 mars 2021. Marche blanche en hommage à Aymane à Bondy en Seine-Saint-Denis, tué par balle à l'âge de 15 ans, le 26 février 2021. (JULIEN MATTIA / ANADOLU AGENCY)

Les tensions persistent au fil des ans, et les amalgames sur la vie dans les cités se multiplient, souvent réduites aux violences qui s'y expriment.

Hajera Mohammad journaliste a voulu vivre en immersion en banlieue en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre, le plus jeune. Elle est la reporter en résidence de France Bleu Paris et estime que les caricatures et le manque de nuance comme toujours, ne racontent pas la réalité d'un territoire. C'est tout le travail de la rédaction de France Bleu de donner autre chose à voir et à entendre que les faits divers liés aux affrontements et agressions.

Les abords du collège Pierre et Marie Curie, aux Lilas en Seine-Saint-Denis, où un adolescent a été poignardé à mort vendredi 4 octobre 2019. (HAJERA MOHAMMAD / FRANCE-BLEU PARIS)

Bien sûr, Hajera l'admet : 

On doit parler de la violence et du trafic de drogue qui gangrènent, mais on doit aussi parler du reste. De la vitalité culturelle, de la puissance des associations qui proposent des alternatives aux plus jeunes. Il y a beaucoup de positif.

Hajera Mohammad, reporter en résidence de France Bleu Paris en Seine-Saint-Denis

Les plus jeunes regardent la presse avec défiance parce qu'elle génère les faits de discrimination. Elle enferme le jeune de banlieue dans un profil de délinquant, ces jeunes qui ne veulent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone. Les ultra violents sont minoritaires et gâchent la vie des autres habitants. 

Il est important de parler de ces élans associatifs et culturels et de ne pas laisser la une de l'actualité aux bandes qui s'entre-tuent. Ces mineurs morts dans les rixes, le photojournaliste de L'Union Ardennais, Christian Lantenois agressé violemment la semaine dernière en banlieue de Reims, fait inqualifiable, inacceptable. 

Hajera Mohammad ne renoncera jamais à parler de la vie dans les quartiers, telle qu'elle est. Les menaces ne l'intimideront pas. Son métier, c'est informer. Et elle prendra le temps dans les cages d'escalier, d'expliquer aux jeunes l'objet de sa démarche. Question de confiance. Et pour cause, Hajera vit ici. Et elle est fière de son territoire.  

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