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Dans quel état la gauche va-t-elle trouver l’école après dix années de gouvernement de droite ?

Luc Chatel s’apprête à quitter le ministère de l’Education nationale. Petit exercice d’inventaire aujourd’hui.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
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Script de la chronique :

Dans quel état la gauche va-t-elle trouver
l’école après dix années de gouvernement de droite ?

Il faut d'’abord relever que la droite a en bonne partie fait
ce qu’elle avait annoncé quand elle était dans l’opposition.

Elle disait que l’école coûte trop cher, elle a
supprimé des dizaines de milliers de postes. Sous Xavier Darcos et Luc Chatel
mais aussi sous la précédente législature.

Est-ce que
cela explique les mauvais résultats des élèves français dans les évaluations internationales ?

Difficile à dire. L’efficacité de l’enseignement
dépend aussi des méthodes pédagogiques et des programmes. Ce qui est certain
c’est que les mesures d’adaptation aux suppressions de postes ont été prises en
même temps que ces suppressions voire après. Or selon de nombreux experts il
aurait mieux valu effectuer d’abord les réformes puis dans un deuxième temps
constater qu’elles permettaient éventuellement de faire des économies et ne
faire ces économies qu’à ce moment-là.

On a mis la
charrue avant les bœufs…

Probablement. L’exemple le plus flagrant de ce point
de vue est la formation des enseignants. Là aussi la droite a fait ce qu’elle
avait promis : en finir avec cette formation telle qu’elle étaient conçue
dans les IUFM, qui étaient réputés être un repère de pédagogistes – c’est comme
ça que la droite et une partie de la gauche d’ailleurs surnomment ceux qui
pensent qu’on n’apprend pas seulement à enseigner en étant excellent dans une
discipline.

Nicolas Sarkozy s’est trompé lors du débat d’entre
deux tours en disant qu’il avait supprimé les IUFM – ces derniers existent
toujours, mais de fait le poids des IUFM a considérablement diminué.

Le résultat, c’est une quasi absence de formation
initiale des enseignants. Mais aussi un assèchement du vivier : jamais le
nombre de candidats n’a été aussi bas.

Cela
s’explique aussi par l’élévation du niveau de recrutement…

Oui - la mastérisation, qui élève à bac+ 5 le niveau
de recrutement. Mécaniquement il y a moins de diplômés à bac +5 qu’à bac +3 ou
+4, donc moins de candidats. Ceci dit l’explication mécanique n’est pas la
seule. Beaucoup d’étudiants se détournent aussi de cette voie car ils craignent
de ne pas y arriver faute d’avoir été suffisamment préparés. En tout cas cette
réforme est l’exemple emblématique d’une réforme qui avait été décidée avant
tout pour des raisons budgétaires et idéologiques et sur laquelle on a tenté a
posteriori d’imprimer un sens.

Autre
promesse : le « retour aux fondamentaux »…

Absolument, d’où la réforme des programmes de l’école
primaire avec une forte insistance sur le lire, écrire, compter. Il y a
quelques jours encore le ministère sortait une circulaire sur l’orthographe.
C’est cette idée qu’il fallait nettoyer l’école de tout ce qui distrait l’élève
des apprentissages de base. Une analyse répandue à droite est que la gauche a
tendance à empiler les apprentissages en primaire – avec les arts, le sport, la
citoyenneté etc. – et que cela empêche les élèves d’acquérir des bases solides.

Les postes, les pédagogistes, les IUFM, le retour aux
fondamentaux… Vous avez là l’essentiel des promesses que faisait la droite
quand elle était dans l’opposition.

Ensuite vous avez des évolutions plus sous-terraines
comme l’affaissement du caractère national de l’éducation.

L’offre
n’est plus la même sur l’ensemble du territoire ?

Non seulement elle n’est plus la même parce qu’un
certain nombre de mesures ont amené des collèges et des lycées à se distinguer
les uns des autres. Mais surtout la gestion a été renvoyée au niveau des
rectorats qui n’ont pas tous eu la même politique. Il y a aussi eu
multiplication des expérimentations pédagogiques, sport études ici, internats
d’excellence là, beaucoup d’innovations, mais qui chaque fois ne concernait que
quelques établissements. On a donc plus de mal qu’hier à avoir une vision
globale de ce qui se passe. Dans le triptyque liberté égalité fraternité, la
liberté l’a emporté sur l’égalité. On a été là encore dans une politique
classique – la droite fustige la prétention « égalitariste » de la
gauche en matière d’éducation.

Au passage
cela a compliqué la vie des syndicats…

Oui. Face à certaines incohérences il suffisait pour
le ministère de faire porter l’erreur aux recteurs et de corriger le cas échéant
dans l’académie concernée, sans se trouver face à un problème national. On est
aussi complètement sorti de la cogestion que la droite dénonçait : jamais
les syndicats n’ont été aussi faibles que depuis dix ans. Il faut quand même
mesurer que des dizaines de milliers de postes ont été supprimés sans qu’il y
ait aucune mobilisation massive – le taux de grévistes dépassait rarement les
30% et il n’y a pas eu de ces grandes manifestations qui font trembler les
ministres.

Il y a
quand même eu des promesses non tenues…

Oui. En gros celles qui s’inspirent le plus de la
frange libérale de la droite. La carte scolaire - contrairement à ce qu’avait
promis Nicolas Sarkozy – n’a pas été supprimée, loin s’en faut. L’autonomie des
établissements avec possibilité pour les chefs d’établissements de recruter et
évaluer les enseignants n’a pas été menée à terme. Et surtout le collège unique
a survécu alors que Nicolas Sarkozy le vouait aux gémonies. Il a préféré
réformer le lycée, ce qui pourtant n’était pas dans ses priorités.

Au final,
la droite a traversé les cinq années écoulées
sans avoir à faire face à des grands mouvements de contestation ni des jeunes,
ni des parents, ni des enseignants. C’est une nouveauté. Mais au moins du côté
des enseignants la mobilisation aura finalement eu lieu, dans les urnes. La
droite a réussi à les réconcilier avec le parti socialiste.  Reste à savoir combien de temps durera la
lune de miel…

 

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