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François Fillon dévoile le projet éducatif de sa Force républicaine

François Fillon a choisi ce moment de flottement post-remaniement pour dévoiler les propositions de son mouvement "Force Républicaine" en matière d'éducation. Et elles tranchent par leur radicalité.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Franceinfo (Franceinfo)

Le moins qu'on puisse dire, c'est que
Fillon 2014 ne ressemble ni à Fillon 2005, époque où il fut ministre de
l'Education et auteur d'une loi d'orientation sur l'école finalement assez
consensuelle, ni à Fillon 2007-2012 – son gouvernement est resté bien en-deçà
des propositions que formule aujourd'hui l'ancien premier ministre.

Premier pilier de son projet : le
"lire-écrire-compter"

Avec le retour à une école qui n'a
même jamais existé : "les trois quarts du temps scolaire seront
consacrés à l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul
et des grandes dates de l'histoire
". Si vous considérez qu'il faudra bien
que les élèves fassent un peu de sport, et que François Fillon veut qu'ils
apprennent l'anglais, il ne se passera pas grand-chose d'autre. Ce qui frappe
ici, ce n'est pas tant le volume consacré à ces apprentissages fondamentaux,
c'est la formulation – réduction de l'histoire à ses grandes dates et à ses
grands personnages, abandon de la géographie au passage, réduction de l'entrée
dans la langue à ses aspects techniques sans références aux textes.

"Une école qui n'a même jamais
existé" ?

Cela sonne très IIIème République,
très Jules Ferry dans le texte, or ce dernier expliquait justement que l'école
républicaine ne devait pas se limiter au lire, écrire, compter, que c'était là
une caractéristique de l'école de l'ancien régime, et qu'il fallait pour former
de bons citoyens les ouvrir à autre chose. Dans le même registre François
Fillon propose de "mettre fin à l'interdiction des devoirs après la
classe en primaire
", officiellement interdits depuis 1956 mais dont les
parents savent qu'ils n'ont jamais vraiment cessé. Toujours dans cette idée de
reprise en main : brevet obligatoire pour entrer au lycée et exclusion
facilitée des élèves jugés perturbateurs sont au menu.

Quid du collège et du lycée ?

La mesure la plus radicale touche au
retour de l'apprentissage à 15 ans, avec une réforme considérable : il
souhaite donner aux régions et non plus à l'Etat le pilotage de toute la
formation professionnelle, y compris donc les lycées, estimant qu'elles sont
plus à même d'adapter l'offre aux besoins des bassins d'emploi. "Les régions pourront définir, pour les
diplômes nationaux menant à une insertion directe dans l'emploi, des adaptations
régionales
en corrélation avec les besoins économiques comptant pour 20% du
diplôme
" prévoit-il.

Qu'en est-il du lycée ? François Fillon regrette d'avoir échoué à simplifier le bac en 2005 sous la pression de manifestations
lycéennes. Il persiste : quatre épreuves maximum à l'examen final, le
reste en contrôle continu.

Et du côté des enseignants ?

Leur vie changerait radicalement.
D'abord à travers le renforcement du pouvoir des chefs d'établissements, qui
auraient la possibilité de choisir leurs enseignants. Ensuite à travers une
obligation de présence dans l'établissement : le nombre d'heures de cours
ne changerait pas mais leur présence passerait de 648 à 800 heures par an.
Enfin introduction d'une variable liée au mérite dans la rémunération.

Tout cela implique plus d'autonomie
des établissements

Elle serait considérablement
renforcée, au primaire comme au secondaire. La conviction de François Fillon
est faite : "Les pays qui ont les meilleurs résultats scolaires ont
une organisation qui donne plus de libertés aux établissements et plus de
cohérence aux équipes pédagogiques
". Il compte aussi sur le numérique
pour améliorer les enseignements - "Notre éducation va être transformée complètement par le
numérique
" écrit-il, et prévoit un robuste accompagnement des
enseignants, sur le terrain. "Le défi est pédagogique car on ne fera pas
la classe de la même façon lorsqu'élèves et professeurs auront en permanence
accès aux ressources numériques
".

Un tel projet a-t-il une chance
d'aboutir si François Fillon devait être élu en 2017 ?

La première partie, celle
qui touche aux fondamentaux et à l'autorité, oui. Elle rencontre un écho dans
une large partie de l'opinion, à droite mais aussi en partie à gauche. Tout le
reste – sauf sur le numérique - susciterait de violentes oppositions
syndicales, qu'il s'agisse de l'autonomie, du salaire au mérite, du bac en
contrôle continu, ou encore de la dévolution de la formation professionnelle
scolaire aux régions.

Ce que François Fillon ne
peut ignorer

Bien sûr. Il y a là une
part de provocation. Mais la démarche est avant tout politique. Elle permet
d'envoyer des signaux forts à l'opinion sur cette thématique, avec des
propositions qui fédèrent les personnes âgées, qui draguent la droite de la
droite – le programme du FN comporte certaines des propositions qu'on retrouve
ici -, regard aussi en partie à la droite républicaine, et coup d'œil également
du côté des libéraux.

Une sorte de synthèse du
corpus idéologique de la droite en matière éducative ?

Moins une synthèse qu'un
collage. Car il bute au fond exactement sur le même problème que la
gauche : en matière d'éducation  le
clivage n'est pas droite / gauche. Sur la partie " retour aux fondamentaux ",
la politique menée par Jean-Pierre Chevènement en 1985 n'était guère
éloignée ; l'autonomie a également ses partisans à gauche ; augmenter
la présence des enseignants dans les établissements ou renforcer l'autorité
faisait partie du programme de Ségolène Royal pendant la campagne de 2007. A
contrario, vous trouvez à droite des personnes qui sont opposées à une partie
des mesures qu'il propose. C'est donc surtout une façon de prendre date pour le
futur, de lancer un ballon d'essai, et de tenter de mettre en, difficulté le
gouvernement confronté aux critiques d'une partie de ses soutiens sur le
caractère insuffisamment radical de la refondation lancée par Vincent Peillon
et désormais mise en œuvre par Benoît Hamon.

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