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L'apprentissage : mal aimé, mal connu, mais plébiscité !

Les Français connaissent mal l'apprentissage. Ils en ont une mauvaise image. Et pourtant ils le plébiscitent pour lutter contre le chômage des jeunes. C'est le résultat d'un sondage qui vient de sortir.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Franceinfo (Franceinfo)

Sondage
CSA pour l'Institut Montaigne
. Il tombe à pic : le gouvernement est en
pleine réforme du finan­ce­ment de l'apprentissage.

Petit rappel : il concerne
aujourd'hui un peu moins de 500.000 jeunes.

Oui.
Les effectifs sont d'ailleurs en chute libre : - 8% en un an soit 273.000
apprentis en moins dans le secteur marchand. C'est évidemment un effet de la
crise : le principal enjeu aujourd'hui pour les candidats à
l'apprentissage est de trouver un contrat.

Lequel se transforme souvent en emploi...

Oui.
Plus de deux tiers des apprentis sont embauchés en CDI à la sortie de leur
formation. C'est un des principaux atouts de cette voie de formation et cela
les Français l'ont bien compris puisque 89% des personnes interrogées jugent
que le déve­lop­pe­ment de l'apprentissage est effi­cace pour lut­ter contre le
chô­mage des jeunes. Et d'ailleurs en règle générale ils plébiscitent les
réponses en termes de formation : 85% des per­sonnes inter­ro­gées disent
faire confiance aux dis­po­si­tifs de sou­tien à la for­ma­tion, tels que
l'apprentissage pour aider à l'insertion, alors qu'ils ne sont que 14% à
préférer les dis­po­si­tifs de sou­tien à l'emploi comme les emplois d'avenir
ou le contrat de géné­ra­tion – dispositifs qui ont été mis en place par le
gouvernement.

Et pourtant l'apprentissage
n'a pas forcément une bonne image.

Eh
oui. 43% des sondés pensent que l'apprentissage s'adresse "essen­tiel­le­ment
à des jeunes qui ren­contrent des dif­fi­cul­tés sco­laires" et que ces
for­ma­tions "débouchent essen­tiel­le­ment sur des métiers fai­ble­ment
rémunérés".

Et c'est faux ?

Partiellement.
En fait il faut distinguer l'apprentissage avant le bac et l'apprentissage en
bac pro et surtout dans le supérieur. Dans le premier cas, le recours à
l'apprentissage coïncide effectivement le plus souvent avec une situation
fragile au niveau scolaire. Il est très rare qu'un enseignant ou un conseiller
d'orientation suggère l'apprentissage à un collégien d'excellent niveau voire
de niveau moyen, dès lors qu'il ne manifeste pas de rejet viscéral de la forme
scolaire. Tout est fait pour pousser ces jeunes-là vers la voie générale.

Sans aucune
exception ?

Quelques-unes,
sur certains métiers, dans certaines familles, dans certaines régions. Prenez
le boulanger star Eric Kayser, il vous expliquera qu'il a toujours rêvé de
faire ce métier et qu'il piaffait d'impatience à l'idée de devenir compagnon –
ce qu'il a fait avec le succès que l'on sait. J'ai aussi le souvenir de ces
élèves d'une maison familiale rurale située près de Lyon où une partie des
apprentis étaient là de manière on ne peut plus volontaire, alors que les
autres avaient un peu atterri là faute de trouver leur place dans la voie
générale. Vous avez raison, il faut se garder de généraliser mais
tendanciellement, l'apprentissage avant le bac s'adresse bien "essen­tiel­le­ment
à des jeunes qui ren­contrent des dif­fi­cul­tés sco­laires".

Et après le bac ?

Plus
du tout ! Là il est choisi parce que c'est un excellent passeport vers
l'emploi.

Et
les jeunes ne s'y trompent pas : selon l'Insee, depuis 1993,
l'apprentissage se développe de manière continue dans l'enseignement supérieur,
notamment au niveau du BTS, qui attire 
44,9 % des apprentis du supérieur. Mais les chiffres montent aussi pour devenir
ingénieur avec près de 15.000 apprentis, principalement dans les spécialités de
la mécanique, des technologies industrielles, de l'électricité et de
l'électronique. Et c'est ce message-là qui a encore du mal à passer puisque 63%
des personnes interrogées estiment que "de manière géné­rale, les for­ma­tions
en appren­tis­sage ont une mau­vaise image", et que  69% pensent qu'elles "sont sur­tout réser­vées
aux métiers manuels".

La réforme en cours va-t-elle améliorer
les choses ?

Les
professionnels en doutent. Pierre Coubebaisse, le
vice-président de la Fédération de la formation professionnelle, estimait le
mois dernier dans le Monde qu'elle ne garantissait pas que les recettes de la
taxe d'apprentissage
seraient totalement utilisé pour financer l'apprentissage des
jeunes, et il rappelait que ces sommes, qui seront désormais collectées et
réparties par les régions, représentent en moyenne, 10 à 15% du budget des
établissements. " Sans elle, nombre d'entre eux auraient du mal à se maintenir. "
prévient-il. En outre c'est une réforme qui devrait privilégier de fait
l'apprentissage avant le bac, alors que c'est 
l'apprentissage dans le supérieur qui a le vent en poupe.

Et concernant l'image de l'apprentissage
à l'Education nationale ?

Tout
reste à faire. Les inspections générales de l'Education nationale viennent de
publier un rapport
qui indique, je cite, que "Bien que la part de
l'apprentissage au sein de la formation initiale sous statut scolaire progresse
régulièrement depuis une vingtaine d'années, et que son environnement ait été
profondément modifié et rénové, il continue de souffrir aux yeux des familles
et des jeunes, et des enseignants eux-mêmes, du déficit d'image attaché à la
voie professionnelle et aux métiers manuels". Ils dénoncent, je cite
encore : "l'apprentissage reste un sujet périphérique pour
l'éducation nationale". Et cela c'est inquiétant quant à la confiance du
public  dans la capacité du sys­tème sco­laire
à pré­parer les élèves au monde du travail : 76% des per­sonnes son­dées
par CSA pour l'Institut Montaigne pendant qu'il le fait mal.

 

 

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