Quels sont les bénéfices et les limites de la technologie à l'école ?

Cette semaine s’est déroulée la 28e édition du salon Educatech qui rassemble professionnels, enseignants et acteurs de l'éducation. Une question essentielle se pose : quelle est réellement l’utilité du numérique pour les apprentissages ?
Article rédigé par Amélia Matar
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le numérique et les apprentissages à l'école. (Illustration) (MASKOT / GETTY IMAGES)

Pour se figurer les usages de la technologie à l’école, on peut imaginer une salle de classe de CE2, où chaque enfant est assis devant une tablette ou un ordinateur. Ils sont concentrés, casque sur les oreilles, les yeux rivés sur leur écran. Leurs doigts glissent sur les boutons virtuels d’une application de mathématiques. Devant eux, des exercices adaptés défilent : calculs simples pour certains, problèmes un peu plus complexes pour d’autres.

Là, une élève sourit, soulagée d’avoir résolu une équation un peu difficile. À côté d’elle, un autre élève fait une erreur, mais reçoit immédiatement un message encourageant.

Autre situation dans une autre classe : des élèves de 4e programment un jeu vidéo avec des logiciels adaptés en cours de technologie. À l’heure où les algorithmes sont partout dans leur vie, ils comprennent un peu mieux tous ces outils qu’ils utilisent, en concevant eux-mêmes de petits programmes. Voilà le type de situation que l’on peut trouver lorsque le numérique s’invite en classe.

L’intérêt du numérique pour les apprentissages

Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation, et directeur du Laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant au CNRS, explique que dans ces cas d’usage de la technologie, chaque élève progresse à son propre rythme, et l’outil propose des exercices exactement là où l’élève en est, ni trop simples, ni trop complexes. C’est un parcours individualisé pour chacun, en temps réel.

Autre point clé : le retour immédiat permis par ces outils. Quand un élève fait une erreur, il le sait tout de suite et peut essayer à nouveau. Ce retour rapide renforce l’apprentissage par l’erreur, qui devient une étape normale du progrès. La dimension plaisir, liée aux écrans, constitue aussi un atout. Ces outils ressemblent souvent à des jeux. Les enfants sont engagés, et ont aussi moins peur de se tromper, alors qu’en classe ordinaire, l’erreur peut être plus stressante, avec le regard des autres et de l'adulte.

Toutefois, pour tirer pleinement profit de ces outils, il importe de faire la différence entre l’éducation par le numérique, et l’éducation au numérique. Utiliser des outils numériques en classe peut s’avérer utile effectivement, mais bien comprendre les impacts de toutes ces technologies, sur son corps, sur ses émotions, et sur la société tout entière, est fondamental, à l’heure où l’intelligence artificielle bouleverse la société et les démocraties.

Et à la maison, les parents doivent être attentifs et dissocier les usages récréatifs du numérique, parfois excessifs, et des usages pédagogiques, ce n’est pas le même temps d’écran.

L’exemple suédois de vigilance face aux écrans

En France, le matériel reste limité dans nos classes. En maternelle et en primaire, on compte environ 12 ordinateurs pour 100 écoliers. Les enquêtes montrent que c’est bien moins qu’en Suède, où les écrans étaient en effet très présents et notamment pour remplacer les manuels scolaires. Or, justement, les études montrent que la lecture sur écran entraîne une mémorisation souvent moins bonne qu’une lecture sur papier. La Suède a tiré la sonnette d’alarme sur ce point, et elle a eu raison.

On le comprend bien, il est délicat de trouver la bonne dose de technologie dans les apprentissages. Et d’ailleurs se pose aussi la question du coût écologique de ces choix éducatifs. Les tablettes, les ordinateurs et tous ces outils ont un impact significatif sur l'environnement. Il faut donc s’assurer que les outils introduits dans les classes aient fait leurs preuves, avec des études sérieuses à l’appui.

Il est également indispensable de former les enseignants pour qu’ils exploitent tout le potentiel du numérique, et éviter que les tablettes et ordinateurs ne se retrouvent remisés au placard jusqu’à devenir obsolètes. Le numérique fonctionne si l’enseignant est présent, et s’assure de son bon usage.

L’importance de l’humain

Le numérique, aussi puissant soit-il, ne fonctionne que s’il s’intègre dans un projet pédagogique bien pensé. Le numérique est particulièrement efficace pour automatiser des tâches simples et répétitives, comme les tables de multiplication. Les enfants peuvent alors s’entraîner seuls, ce qui libère du temps pour l’enseignant. Or les enseignants le disent souvent : ils manquent de temps. Ces outils permettent ainsi à l’adulte de se concentrer sur ce qui demande vraiment son expertise et sa présence, comme l'accompagnement des élèves en difficulté, ou le développement des compétences plus complexes.

Ceci dit, le numérique ne remplace pas, et ne remplacera jamais l’enseignant. De nombreuses études montrent l’importance des relations humaines pour favoriser l’engagement et la motivation des élèves. L’enseignante américaine Rita Pierson le résume parfaitement, avec cette phrase prononcée dans une célèbre conférence  : "Les enfants n’apprennent rien des personnes qu’ils n’aiment pas."  Et oui, les enfants ont besoin avant tout de se sentir compris, soutenus et encouragés pour progresser. Et cela, une machine ne pourra jamais le remplacer.

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