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Un nouveau scanner pour l'école

Vincent Peillon installait ce matin une nouvelle instance issue de sa loi d'orientation : le Conseil national d'évaluation du système scolaire. Il sera présidé par la sociologue Nathalie Mons.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Franceinfo (Franceinfo)

Et
ce nouveau Conseil national d'évaluation du système scolaire aura une triple
mission : produire des évaluations et des synthèses d'évaluations,
notamment dans une perspective internationale ; produire des expertises
méthodologiques des évaluations existantes, et promouvoir la culture de
l'évaluation en direction des professionnels de l'éducation et du grand public.
Il est composé de deux députés, de deux sénateurs, de deux représentants du
Conseil économique, social et environnemental ainsi que de huit personnalités
qualifiées ; il est présidé par la sociologue Nathalie Mons.

L'Education nationale
manquait à ce point d'instance dévaluation ?

Il
faut croire. Il en existe pourtant déjà plusieurs :  la DEPP, la direction de la prospective, qui
appartient au ministère, et qui produit déjà des évaluations et des synthèses -
plusieurs dizaines de fonctionnaires y travaillent au sein du ministère. Il y a
aussi l'Inspection générale, là aussi plusieurs dizaines de personnes, qui
réalisent des rapports à la demande du ministre ou qui s'autosaisissent de
certains sujets, et qui sont censées faire la " promotion de la culture de
l'évaluation en direction des professionnels de l'éducation ". On peut
aussi ajouter le travail de veille effectué par l'Institut français de
l'éducation. Mais ce n'est pas la première fois qu'un ministre estime que tout
cela ne suffit pas. C'est Jack Lang qui le premier s'était doté d'une instance
supplémentaire, le Haut Conseil de
l'évaluation de l'école, dont les missions, à peu de choses près, étaient
exactement les mêmes. La droite l'avait remplacé par un Haut Conseil de l'éducation avant de
bâillonner littéralement toutes les instances qui produisaient des évaluations.
Pendant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la direction de l'évaluation et
de la prospective, qui était réputée abriter un nid de gauchistes, a été
réduite au silence ; idem de l'Inspection générale - même ses rapports
annuels, dont la publication est pourtant obligatoire aux termes de la loi,
avait été réduite au silence. Depuis les publications ont repris.

Et rien de tout cela n'a
suffi à offrir une bonne photographie de l'état de l'école ?

Ça
suffit à obtenir de bonnes photos mais sous des angles précis. On manque en
revanche d'instances pour réaliser en quelque sorte des méta analyses, pour
offrir une vue globale, pour regarder ce qui se fait dans différentes champs avec
différentes méthodologies et surtout pour en tirer des pistes d'actions
concrètes. C'est un peu ce que font les scientifiques quand ils organisent ce
qu'on appelle des conférences de consensus. On essaie de regarder tout ce que
la recherche a produit sur un sujet et de dégager quelques points sur lesquels
on arrive à mettre d'accord, par exemple, la psychologie, les neuro sciences et
la sociologie.  C'est un peu cet objectif
que devrait poursuivre le Conseil national d'évaluation du système scolaire et s'il
y parvient, ce sera une nouveauté.

Il y a donc l'idée de
s'appuyer plus sur la science pour améliorer l'école...

Oui.
Ceci étant le conseil est surtout composé de personnalités venues des sciences
sociales ; les sciences dites dures en sont absentes. Pas de spécialiste
du cerveau, pas de neurosciences. Alors que c'est une piste largement suivie à
l'étranger où voit se développer en matière d'éducation une approche comparable
à celle qui domine aujourd'hui en matière de santé publique où on parle d'evidence based medicine – la médecine
fondée sur les preuves ; ça consiste à travailler à partir de toute une
batterie d'indicateurs prédictifs, de pourcentage de risques, pour essayer de
bâtir les protocoles thérapeutiques les plus rationnels possibles. Emerge donc
l'idée d'evidence based education,
l'éducation fondée sur les preuves. C'est une idée qui a beaucoup de mal à
percer en France où on estime souvent que l'enseignement relève de l'art autant
si ce n'est plus que de la science. Sur ce sujet, je renvoie au dernier livre
de la journaliste du Monde Maryline Baumard intitulé La France enfin première
de la classe
– nous l'avions accueillie en novembre sur France Info pour en
parler.

Ce nouveau conseil devra
donc établir des consensus. Mais qu'est-ce qui garantit que ces consensus feront
l'objet de décisions politiques ?

Absolument
rien. Tout dépend de l'utilisation que le ministre décidera de faire de ces
évaluations. Il faudra aussi combattre en interne puisque d'autres instances
sont chargées de produire des évaluations et elles voudront elles aussi être
entendues. Il faudra aussi réussir à intégrer rapidement les résultats des
travaux dans la formation des enseignants et des cadres sinon ça ne sert pas à
grand-chose. En somme ce Conseil va marcher sur beaucoup de plates-bandes. Vincent
Peillon devrait néanmoins être attentif à ses recommandations: il a voulu
la création de cette instance puisqu'il l'a inscrite dans sa loi ; ce n'est pas
non plus un hasard s'il a nommé à sa tête Nathalie Mons, à qui il avait déjà
confié la codirection de la concertation qui avait été organisée en prélude à
la loi d'orientation. Mais il suffira d'un changement de ministre pour que tout
soit remis en cause – ce ne serait pas la première fois.

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