Cet article date de plus d'un an.

"44% des foyers payent l'impôt sur le revenu, mais avec la CSG et la TVA on contribue tous très fortement aux finances publiques", souligne Jean Viard

Le service de déclaration en ligne des revenus de l'année 2022 est ouvert depuis jeudi 13 avril. Les contribuables peuvent compléter leur déclaration déjà pré-remplie. Que représente cet impôt sur le revenu dans notre société ? Décryptage avec le sociologue Jean Viard.
Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Depuis le jeudi 13 avril, les contribuables peuvent remplir leur déclaration de revenus pour 2022.sur le site impots.gouv.fr. (Illustration) (VANESSA MEYER / MAXPPP)

Depuis le 13 avril, les contribuables peuvent compléter leur déclaration en ligne des revenus 2022, déjà pré remplie, sur le site dédié. Ils ont jusqu'au 25 mai prochain s'ils sont non-résidents ou habitent un département numéroté de 1 à 19 ; jusqu'au 1er juin, pour les départements de 20 à 54 ; et jusqu'au 8 juin pour les départements à partir du numéro 55, et au-delà. Un service utilisé par la grande majorité des contribuables français. L'impôt sur le revenu est-il plus qu'une simple recette fiscale ? C'est le sujet de Question de société aujourd'hui avec le sociologue Jean Viard.

franceinfo : L'impôt sur le revenu est-il l'un des socles de notre société ? 

Jean Viard : C'est compliqué la question des impôts, parce que, historiquement, les impôts servaient à la guerre. Quand il n'y a pas la guerre, il y a des taxes indirectes, la gabelle, les octrois, etc. Et puis quand il y a la guerre, le roi est obligé de lever des impôts exceptionnels. Notre impôt sur le revenu, c'est la même histoire. Il est né pendant la guerre de 14-18. Cela avait déjà été proposé avant, mais le Sénat l'avait bloqué, et en fait, ça s'est fait pendant la guerre pour financer la guerre. Donc, c'est toujours la même origine : la guerre.

Et puis après, petit à petit, dans les années 20, la gauche va pousser à l'idée de redistribution. Donc l'idée que l'impôt, ça sert aussi à ce qu'on prend aux plus riches pour redistribuer des allocations familiales, des aides au logement, etc. Et puis, petit à petit, on va multiplier les services publics, l'école, la santé, et donc, au fond, non seulement ça va financer la guerre, donc l'armée, la police – qui était la vieille activité – et puis, de plus en plus la redistribution, et puis les services publics. Donc il y a tous ces objets-là qui font que petit à petit, on a accepté l'impôt sur le revenu.

Après, l'impôt sur le revenu est très populaire parce que la majorité des Français ne le payent pas. On a à peu près 40 millions de foyers fiscaux en France, et il y en a un peu moins de 18 millions qui payent l'impôt sur le revenu. Il y a 44% des foyers qui payent l'impôt sur le revenu. Michel Rocard avait inventé la CSG qui rapporte beaucoup plus, puisque la CSG rapporte 121 milliards et l'impôt sur le revenu 76 milliards. Donc petit à petit, on a inventé de nouveaux impôts, plus indolores. L'impôt sur le revenu, on le met en avant, mais en fait, il rapporte moins que la CSG, il rapporte beaucoup moins que la TVA. Des impôts qu'on sent moins bien parce qu'ils sont proportionnels aux revenus. Et on est là, sur des systèmes d'impôts, plus discrets, et qui rapportent plus en fait. 

Comme il y a de la redistribution, comme cela sert à financer les services publics en France, certains disent : tout le monde devrait payer l'impôt sur le revenu, même quand on gagne très peu, même quand ce ne sont que des minima sociaux, pour le principe, même si c'est quelques euros par an. Qu'en pensez-vous ? 

D'un point de vue symbolique, c'est une bonne idée. Après, on paie tous la CSG, on paye tous la TVA, donc on contribue tous très fortement aux finances publiques. Parce que le problème, c'est que si vous dites par exemple, tout le monde doit payer 50 euros. Dit comme ça, c'est bien, parce que chacun se sent responsable, quand il rentre dans l'école, il dit moi, j'ai payé un petit bout du salaire de l'institutrice, etc. Sauf que ça coûte beaucoup plus cher de prélever 50 euros, parce que vous voyez toute la machine qu'il faut mettre en route pour récolter cette toute petite somme. Donc, en fait, paradoxalement, ça ferait perdre de l'argent. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles on ne le fait pas. 

Alors, il y a beaucoup de taxes et impôts qui font régulièrement objet de débats, voire même de réformes. Ça peut être le cas de la TVA, de l'impôt sur la fortune, la taxe d'habitation, la redevance, les taxes sur les carburants, etc. Et pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, ce n'est pas vraiment le cas. C'est vraiment le moins contesté. Vous êtes même allé jusqu'à dire que c'était le plus populaire. Ça peut quand même surprendre ? 

Populaire, parce qu'il est à la fois universel et que la majorité des gens ne le payent pas. Donc, il est plus facilement populaire. Regardez par exemple, l'impôt sur les successions. La plupart des gens ont de très petites successions, voire pas du tout, mais les gens sont très opposés à l'impôt sur les successions, parce qu'on a l'impression qu'on nous prend l'argent deux fois. Vous avez passé votre vie à économiser pour un petit logement. Vous vous dites que vos enfants vont en hériter et paf, il faut repayer du fiscal alors que vous avez déjà payé du fiscal sur vos salaires, ou sur vos pensions de retraite. C'est ça qui est très compliqué, c'est : qu'est-ce qui semble juste en matière d'impôt ?

Il y a le problème de l'égalité, c'est-à-dire qu'effectivement, les plus riches paient plus que les plus fragiles. Ça, l'impôt sur le revenu le fait merveilleusement bien. Et puis après, il y a ce qui semble légitime aux yeux des gens. L'Etat a remis en question les impôts locaux. Est-ce qu'il y a une autonomie fiscale des collectivités locales ou il n'y en a pas ? L'Etat considère de plus en plus qu'il n'y en a pas. Et donc, l'Etat prend tous les impôts et les redistribue, ce qui évidemment lui donne aussi du pouvoir sur le local. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.