Football et violences dans les stades : pour Jean Viard, "il y a un gros boulot à faire vis-à-vis des supporters"
Avec le sociologue Jean Viard, on évoque la remise du Ballon d'or demain à Paris et ce soir à 20h45, il y a le classique OM-PSG avec cette année, pas beaucoup de suspense, pour le vainqueur du Ballon d'Or et la Ligue1 est diffusée désormais sur deux chaînes payantes ; trois même, si l'on veut regarder aussi la Ligue des Champions. De quoi se poser des questions.
franceinfo : Est-ce que ça fait toujours rêver le football ?
Jean Viard : Ecoutez, je crois que oui, mais la télé est en train de se prendre les pieds dans le tapis, si je peux me permettre d'avoir un avis très personnel. Quand vous regardez le nombre de gens qui vont dans les stades, il y a de plus en plus sur ces dernières années. Si vous regardez le nombre de licenciés, il a augmenté de presque 9% l'année dernière, a plus de 2,3 millions, sans compter tous les matchs qu'on ne compte jamais, entre deux villages, dans une communauté de communes, iI y a énormément de petits matchs.
Et il y a 5% de l'argent donné par les télés qui retombent dans la caisse de l'ensemble des clubs sportifs de France, ça fait 80 millions par an, à peu près. Donc c'est important parce que quand la télé donne moins d'argent aux grands clubs, à la limite dans le petit club de mon village, ils ont 1000 euros de moins, mais pour eux c'était beaucoup, donc il y a un effet sur tout le sport amateur.
Évidemment, l'année qui succède aux J.O, ça ne tombe pas bien, parce qu'à l'inverse, il y a une augmentation de la demande, une augmentation des inscriptions, parce que le sport a été tellement magnifié, tellement mis en avant, et y compris tellement éthique, que d'une certaine façon, effectivement, il y a une augmentation de la demande et une diminution des budgets, c'est compliqué.
L'argent Jean Viard, c'est le nerf de la guerre. On a l'impression que le football, c'est un sport qui est de plus en plus régi par des enjeux financiers plutôt que des enjeux sportifs, est-ce que les affaires ont pris le dessus ?
C'est clair que ça joue beaucoup, ça joue dans les transferts, ça joue dans le fait que des pays très riches sont en train de s'acheter des joueurs. Je pense à certains pays du Golfe, donc, là aussi, on a toute cette évolution. Est-ce que ça choque les gens ? Je ne suis pas sûr. Je pense qu'on accepte l'idée qu'un grand spectacle, c'est comme un grand chanteur qui fait un show qui peut coûter aussi extrêmement cher. Si on nous donne beaucoup de joie, je crois qu'on l'accepte.
Il y a d'autres polémiques récemment, celle des chants homophobes parmi les supporters du PSG. Évidemment, ces supporters sont minoritaires, mais ils existent, et ils ternissent l'image du football ?
Oui, et je trouve d'une part que c'est dramatique, et d'autre part que c'est souvent un problème d'organisation des clubs. Parce que, à Marseille, il y avait eu des problèmes comme ça à l'époque de Tapie, et il avait très bien repris la question en main, justement en travaillant avec les groupes de supporters.
Une grande partie du public est structurée dans un stade, et donc d'une certaine façon, le travail qui est fait avec les clubs, les moyens qu'on leur donne pour fonctionner, le fait qu'on exclut les gens qui ont des chants racistes, etc. Il y a un vrai boulot à faire parce que sinon c'est vrai qu'il y a certains camps politiques extrémistes qui utilisent le foot – une forme de violence des supporters qu'il y a dans le foot – ils mélangent au fond la politique et le foot. Il y a un gros boulot à faire vis-à-vis des supporters.
Après un mois et demi de Jeux olympiques, est-ce que le public n'a pas découvert aussi d'autres sports pour se détourner du football ?
Non, le football, c'est dans le monde entier, par définition, le sport populaire, le sport démocratique, c'est un sport simple, facile à comprendre, qui ne nécessite pas de gros investissements. Et en plus, c'est un sport où il se passe des choses, ça va vite. Donc non, je ne crois pas que ça va être remplacé, mais par contre je pense que les JO ont donné un sentiment d'apaisement, un sentiment de quelque chose d'absolument réussi, et d'une très grande beauté sportive.
C'est un peu la même question pour le vélo. Regardez, on reparle en ce moment des questions de dopage, etc. Ça, c'est quand même assez mal accepté. On vit une période où on pourrait essayer d'avoir une forme de moralisation et de simplification des choses, ça nous ferait tous du bien...
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