La générosité des Français : "Donner, c'est une façon de se respecter soi-même en faisant un geste positif vis-à-vis des autres"
La campagne d'hiver des Restos du cœur est lancée. Le Téléthon approche. Les Français sont appelés à être généreux. Alors, malgré l'inflation, cette générosité fluctue assez peu. Avec 206 euros de dons en moyenne cette année pour chaque Français, selon un dernier sondage Odoxa.
franceinfo : Comment analysez-vous cette générosité qui ne faillit pas ?
Jean Viard : Mais vous savez, donner, c'est une façon au fond de se respecter soi-même, en faisant un geste positif vis-à-vis des autres, et les gens plus riches ne donnent pas forcément plus que des gens modestes. Parce qu'au fond, c'est une façon de vivre les uns avec les autres, une façon de respecter notre pacte social, si on peut dire. Et c'est aussi une façon de dire l'Etat ne doit pas tout faire, et je pense que ce sont des valeurs positives.
Les personnes âgées, de plus de 70 ans, donnent plus. Ce qui est nouveau, c'est que les jeunes (20/30ans) donnent à peu près autant que les anciens. Et ça, c'est très nouveau. C'est leur façon de faire de la politique, c’est-à-dire qu'ils ne sont pas intéressés par le vote, mais quand il y a une cause qui les mobilise, que ce soit l'Ukraine, les inondations dans le Nord, ils s'y mettent, c'est intéressant de voir qu'ils ont fait quasiment un geste politique, alors qu'avant, les jeunes ne s'intéressaient pas trop à ça. Après, il est clair qu'on donne d'abord pour les questions de santé parce que c'est le premier sujet, on est tous concernés par la santé publique.
Oui, c'est le secteur qui reçoit le plus de dons ?
Ils mettent le paquet là-dessus, c'est extrêmement positif. Et après, le deuxième sujet ce sont les animaux, on pourrait dire les animaux avant les enfants, mais la question, c'est qu'il y a plein d'animaux abandonnés. Grâce à Dieu, il y a peu d'enfants abandonnés dans la rue.
Après, il y a des régions qui donnent plus que d'autres, à niveau de revenu égal. C'est notamment toute la région Rhône-Alpes, le Pays-Basque, l'Alsace, et c'est la Bretagne. Donc il y a aussi des écarts culturels entre les sentiments de solidarité des régions, c'est à remarquer aussi.
Et vous évoquiez le secteur de la santé, c'est vrai qu'il y a un côté universel, personne ne se sent vraiment à l'abri face à la maladie, c'est peut-être aussi pour ça ?
Oui, c'est pour ça, et puis parce qu'il y a le Téléthon, parce qu'on a bien compris que la recherche médicale, ça coûtait extrêmement cher, et que c'était absolument indispensable, parce que la science avance à toute vitesse. Regardez les progrès qu'on espère encore, et qui avancent sur le cancer, sur le sida, sur les maladies génétiques. Effectivement, tout le monde peut donner sur la santé et c'est aussi une façon de montrer que l'Etat ne peut pas tout. Je rappelle quand même que les dons que font les Français, ça réoriente un peu plus de 2 milliards de l'argent public puisqu'une partie est déductible fiscalement.
Vous parlez de l'Etat justement, il y a aussi un discours chez certains qui consiste à dire : ce n’est pas à moi de donner, pourquoi l'Etat ne fait pas ce qu'il faut, comment on le comprend ce discours ?
Mais c'est un vieux discours français où l'Etat aurait toutes les clés en main. On le voit dans plein de sujets, parce qu'on a un Etat extrêmement puissant et autoritaire, hiérarchique, qui veut avoir toutes les fonctions sociales, et je pense que justement, petit à petit, on en sort.
Il y a 30 ou 40 ans, quand on a commencé à donner pour la recherche médicale, on se disait tous : mais enfin quand même, ce n’est pas notre boulot, l'Etat n'a qu'à faire son boulot. Je pense qu'on a évolué, et on va sans doute vers une société où les interventions des individus pour orienter l'argent de l'Etat sur certains sujets se développent, et c'est plutôt une bonne nouvelle. Ça pourrait généraliser à la limite les référendums d'initiatives locales, ça irait dans la même direction.
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